Ce goût prononcé pour le flou, le tendre, n’a plus aucun secret pour Myung-Whun Chung. Si bien que la promesse d’un programme 100% brahmsien pour le retour au Philhar du chef honoraire avait de quoi enthousiasmer et fut, avec un plaisir et une générosité évidentes, abondamment tenue.
Le projet était ambitieux : éunir, pour cette pièce sonore grand format, les éléments habituels de la fiction radiophonique, orchestre, chœurs et récitants. Une plaidoirie finalement si rare, ces temps-ci, qu’elle mérite d’être saluée.
Il sera bien malaisé pour le spectateur de trouver dans ce morne tableau la ferveur conjuguée d’Eros et de Thanatos, ou encore, comme souhaité, le désespoir des années SIDA. Ni gaie, ni triste : la chair, ici, indiffère.
On aurait pu voir dans le choix d’exécution des œuvres – la Nuit Transfigurée d’abord, Brahms ensuite – une certaine facilité : laisser le public sur les notes moins tragiques de Brahms ne semblait flatteur ni pour l’intelligence de l’auditoire, ni pour la richesse d’écriture du digne successeur de Beethoven. C’était heureusement sans compter sur l’acuité d’interprétation de chambristes hors pair
Belle idée, quoiqu’inaboutie, que cette compilation française d’airs d’opéras baroques : élargi à 2h30 avec entracte, débarrassé des habituels et ennuyeux récitatifs, cet Opéra pour trois roisest, musicalement, d’une tenue remarquable.
Yann Apperry, lauréat du Prix Médicis avec son roman Diabolus in Musica et du Prix Goncourt des lycéens avec Farrago, écrit également pour le cinéma, la scène, la radio, et se prête, avec Le Dernier Livre de la Jungle, au difficile exercice du livret.
Il fallait bien la solidité technique et la richesse expressive, rares, de l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg, alliées au brio et à l’élégance d’un Berezovsky en très grande forme, pour sublimer ces deux substances au détriment d’aucune. Un grand concert !
Belle idée que de ne pas cantonner le Cantor à ses seules pages sacrées ! On sait William Christie soucieux de mettre en avant la sensualité et la vitalité de Bach, souvent réservées au seul baroque français.
On sait que si la Philharmonie affichait complet depuis quelques semaines, ce n’était pas uniquement parce qu’elle enthousiasme davantage le public que l’Auditorium, ni parce que le nom d’Edgar Moreau s’ajoutait à celui de Mikko Franck.
Difficile de reprocher à cette entrée en matière une quelconque prévisibilité. Loin des passages obligés, du « grand » répertoire et des pages viennoises auxquelles s’attelle plus volontiers le Philharmonique en ce mouvementé début de saison, l’ONF se restreint avec ce concert d’ouverture à la musique française.
Ambitieux programme, peut-être un peu trop, pouvait-on redouter en début de concert, tant la sécheresse de l’acoustique du Théâtre des Champs-Elysées ne laissa, chez Wagner puis Strauss, aucune place à l’erreur.
Surréaliste, psychanalytique, ce Pélléas et Mélisande l’est donc assurément. Mais c’est peut-être sa naïveté, sa tendresse presque enfantine, qui l’emporte.
S’il fallait choisir parmi toutes les belles idées de mise en scène de ce très réussi Oedipus Rex, on s’accorderait sans doute sur celle-ci : la primauté incontestée de l’esthétique et des intentions de Stravinski.
Tant de maîtrise et de technique – on ne se souvient pas, tout bonnement, d’avoir entendu un Quatuor plus solide – présageait d’un très beau moment pour le Quatuor n°9 de Beethoven, attendu de pied ferme après l’entracte.
On nous avait certes garanti une production exempte de têtes emperruquées et de décors à dorures, mais pas grand-chose ne nous avait préparé à une telle radicalité de mise en scène.
Belle idée que de commencer, avant l’entracte et le très attendu Stabat Mater de Pergolèse, par proposer à un auditoire agité un panorama de la musique baroque napolitaine.
Comment fêter la musique sans célébrer Mahler ? C’est ce que semble nous répéter cette heureuse programmation du Louvre, deux ans à peine après la mémorable première symphonie, par Paarvo Järvi. On ne s’en plaindra pas !
Loin de toute la monumentalité qui a pu rendre indigestes les belles mélopées et accents verdiens, souvent cantonnées aux grandes pompes et à un logos lourdement orientaliste, cet opéra à l’écriture pourtant raffinée, et à la profondeur mésestimée, méritait une telle relecture.