Venant de Suède ou de Finlande, le Göteborgs Symfoniker et Santtu-Matias Rouvali arrivent à Bozar pour nous offrir un programme riche en paysages. Entre deux poèmes symphoniques, Johan Dalene vient également tirer son épingle du jeu lors du Concerto pour violon de Sibelius.

Santtu-Matias Rouvali © Marco Borggreve
Santtu-Matias Rouvali
© Marco Borggreve

Mais avant de plonger dans les courbes épiques des paysages de la Finlande, nous faisons une halte devant les rayons irisés D’un matin de printemps. Cette partition pour orchestre de Lili Boulanger, écrite quelques mois avant sa mort en 1918, trouve une merveilleuse incarnation sous le geste de Rouvali. La masse orchestrale, sans se faire trop transparente, épouse avec finesse les élégantes inflexions de la musique de Boulanger. Les flûtes et les bassons caquètent gaiement tandis que les cordes revêtent cet aspect inquiétant qui fait tout le sel de cette œuvre.

Mais la bouffée d’air printanier cède rapidement sa place au grand souffle venu du nord. Le Concerto pour violon de Jean Sibelius constitue l’un des plus fameux concertos de la musique occidentale et une œuvre incontournable du compositeur finlandais. Ses nombreux thèmes, puissants et passionnés, se développent autour d’une virtuosité ébouriffante pour le soliste. C’est Johan Dalene qui, ce soir, se fait le héros de cette partition. Et si les épopées héroïques sont souvent semées d’embûches, on souffre tout de même un peu trop de voir le jeune soliste suédois se battre autant avec la partition. Même si la catastrophe est heureusement évitée, on sent que Dalene est régulièrement mis en difficulté : les traits manquent de fluidité et la majesté du son est sacrifiée au profit d’une sonorité moins profonde mais certainement plus efficace.

Pourtant, de cette lutte se dégage quelque chose d’assez puissant ; comme une volonté d’en découdre, un cri désespéré au plus profond du chant qui réussit à nous toucher. Le son dur et rêche du violoniste suédois se mue en un chant tellurique, acerbe et tempétueux. Malheureusement, cela implique de se couper entièrement du dialogue avec l’orchestre, nous privant d’un aspect essentiel de la partition. Car, si dans la partie soliste, l’heure est à la tempête, il n’en est rien pour le Göteborgs Symfoniker. Sous la direction apaisée de Santtu-Matias Rouvali, la phalange suédoise navigue avec calme et panache. C’est avec une aisance souveraine qu’ils construisent et font évoluer les innombrables climats qui colorent ce concerto. Ce génie coloriste est d’ailleurs une constante de cette soirée.

Une vie de héros, poème symphonique autobiographique et légèrement égocentrique écrit en 1898 par un Richard Strauss au sommet de la gloire, est un matériau d’expression idéal pour la baguette de Rouvali. Dès les premières inflexions, on se sent comme vautrés dans un confortable divan après une rude journée. Mais cette sensation chaleureuse se rapproche moins d’un feu de cheminée que de doux rayons de soleil réchauffant nos joues par un frais matin. Car malgré ce luxe sonore, on trouve dans les timbres de l’orchestre suédois une certaine clarté, en particulier chez les premiers violons.

La balance orchestrale est toujours parfaitement dosée, dans les interactions entre les pupitres comme dans les grands tutti. Et pour continuer à parler d’équilibre, il est également impressionnant de constater avec quelle facilité le maestro finlandais navigue entre les atmosphères du poème symphonique. La gestion des transitions et des contrastes est en elle-même expressive car lorsque les cuivres s’effacent imperceptiblement devant les bassons, ou lorsque le violon solo tire soudainement la couverture à lui lors de ses interventions, il construit une véritable narration qui se révèle passionnante. Vraie artisane de la réussite de cette soirée, Sara Trobäck apporte ce qui manque de piquant : le son de la première violoniste n’a en soi rien de renversant, mais ses prises de paroles élégantes et corsées viennent relever avec efficacité les grandes nappes straussiennes. C’est dans ce cocktail si finement dosé que l’on s’abandonne rapidement, dans le luxe, le calme et la volupté.

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