Cet automne, le Festival « Tous Gaga » au Palais de Chaillot permet de découvrir ou de redécouvrir quatre chefs-d’œuvre d’Ohad Naharin, père de la danse contemporaine israélienne et directeur sortant de la Batsheva Dance Company. La compagnie originaire de Tel-Aviv présente ainsi quatre œuvres au public parisien : Mamootot, pièce créée en 2003, Venezuela, chorégraphiée en 2017, ainsi que Sadeh21 et Décalé, interprétées par The Young Ensemble, son ensemble junior.
Venezuela est l’une des dernières pièces composées par Ohad Naharin, qui a cédé la direction de la Batsheva Dance Company à Gili Navot en septembre dernier. Malgré son titre, l’œuvre ne parle pas tellement du Venezuela, ni même d’Amérique Latine, mais évoque plutôt un exotisme diffus et sans ancrage. Dans Venezuela, les danseurs revisitent le tango argentin dans des costumes traditionnels, chantent du rap US, brandissent des drapeaux de toutes les nationalités. La bande-son, composée par Ohad Naharin lui-même sous le pseudonyme de Maxim Waratt, est également un véritable brassage culturel, intégrant des chants grégoriens, de la pop et du rock américain, et de la musique indienne. Œuvre multiculturelle, Venezuela est la signature d’un artiste en fin de carrière, qui revient à l’essentiel et met l’accent sur un message de tolérance porté pendant toute sa carrière. Mais à l’heure de la transmission, on peut ressentir à travers de Venezuela un certain degré de pessimisme. A l’ouverture du rideau, un groupe marche de dos lentement, qui se désagrège pour s’immobiliser et s’éloigner solitairement. Faut-il voir dans cette communauté qui se délite une allusion à la Tour de Babel ? Plus explicitement, le vacarme qui va crescendo et déclenche des tremblements d’angoisse chez les danseurs à la fin du spectacle ne révèle-t-il pas la vision du monde assombrie d’Ohad Naharin ?