Audacieux explorateur du gigantesque répertoire de l’instrument-roi, Florian Noack est de ces trop rares pianistes qui ne se contentent pas de répéter à l’envi les mêmes pièces consacrées. Aussi, c’est avec beaucoup de curiosité qu’on attendait de l’entendre à Bozar avec le Belgian National Orchestra dans le Premier Concerto de Nikolaï Medtner (1880-1951), ce pianiste-virtuose et compositeur russe tant admiré par son contemporain Rachmaninov qui, exilé comme lui après la Révolution, lui dédia son Quatrième Concerto pour piano.

Florian Noack © Danilo Floreani
Florian Noack
© Danilo Floreani

Si la musique de Medtner n’a jamais cessé d’être jouée en Russie – y compris durant la période soviétique –, elle a été curieusement négligée en Occident où elle bénéficie de la réputation flatteuse mais restrictive de répertoire pour connaisseurs. Peut-être est-ce dû à ce que Medtner, compositeur post-romantique imaginatif et instruit, capable de créer des atmosphères envoûtantes, demande de ses interprètes non seulement une technique imparable doublée d’une parfaite intelligence de la forme, mais sans doute aussi au fait que son écriture pianistique est moins immédiatement spectaculaire et accessible que chez Rachmaninov et qu’il lui manque ce don pour la virtuosité éclatante et le charme mélodique immédiat qui ont tant fait pour le succès de ce dernier.

Écrit entre 1914 et 1918 en un seul mouvement subdivisé en trois parties, son Premier Concerto en ut mineur est une partition de grande ampleur (près de 35 minutes) qui présente une structure inhabituelle combinant la forme-sonate et la technique de la variation. Parfaitement soutenu par un BNO très attentif et un Antony Hermus veillant soigneusement à éviter toute lourdeur dans une écriture orchestrale parfois touffue, Florian Noack est le splendide soliste de cette œuvre d’une vraie hauteur de pensée. Toujours parfaitement intégré dans l’orchestre (quels beaux dialogues avec les vents !), capable d’énoncer les traits virtuoses les plus ébouriffants sans jamais se crisper comme de déclamer les touchantes cantilènes avec une subtile éloquence et une beauté de son jamais prise en défaut, le soliste offre une interprétation de haute tenue qui marque autant par sa perfection technique que par son refus de l’effet extérieur. Vivement acclamé par le public d’un Palais des Beaux-Arts bien rempli, Florian Noack offre deux magnifiques bis : un extrait des Danserye du compositeur de la Renaissance Tielman Susato dans un arrangement du pianiste ainsi qu’un des Contes de la vieille grand-mère de Prokofiev.

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Antony Hermus et le Belgian National Orchestra
© Barth Decobecq

Après avoir très bien ouvert le concert par une interprétation dramatique et prenante de l’ouverture Coriolan de Beethoven, le BNO et son directeur musical le clôturent par une Cinquième Symphonie de Tchaïkovski malheureusement très décevante. Tout au long de l’œuvre où Antony Hermus opte pour des tempos modérés, l’impression est d’une lecture au premier degré et d’une interprétation inaboutie – peut-être en raison d’une préparation insuffisante, le rare concerto de Medtner ayant sans doute accaparé davantage de temps de répétition. Dans le premier mouvement, les cordes sont certes volontaires mais sans charme. En dépit d’un début mystérieux et d’un beau solo de cor initial, l’Andante cantabile manque cruellement de tension et d’atmosphère. La Valse comme le Finale confirment cette impression d’un orchestre qui, en dépit des efforts visibles du chef qui ne cesse de se démener, ne semble pas vraiment tenu, joue constamment trop fort et donne la bizarre impression de tourner à vide.

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