Ce vendredi 16 septembre, l'Orchestre Symphonique de Mulhouse inaugure sa saison à La Filature. Après une année sans chef, le public a hâte de saluer l'élu dont le nom, Christoph Koncz, a été proclamé au cœur de l'été pour succéder au maestro Jacques Lacombe. Initialement prévue comme une carte blanche donnée au nouveau directeur musical, cette soirée se déroule cependant sans lui, puisque retenu ailleurs par des engagements antérieurs à sa nomination à Mulhouse. C'est donc en vidéo que le chef et brillant violoniste autrichien se présente aux mélomanes, saluant la salle qu'il rejoindra bientôt et déléguant sa baguette du jour au chef Christian Schumann pour conduire avec succès les œuvres finalement proposées. Deux pièces constituent le matière principale du programme : le Triple Concerto en ut majeur, op.56 de Beethoven, puis la Symphonie n°2 en ré majeur, op. 73 de Brahms en seconde partie.

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Christian Schumann dirige l'Orchestre Symphonique de Mulhouse
© Ville de Mulhouse | Guillaume Rudin

Cette seconde partie est particulièrement enthousiasmante, l'orchestre faisant preuve de beaucoup de vaillance, de cohésion dans une séduisante interprétation de la symphonie. L'atmosphère paisible du premier mouvement et sa couleur villageoise, notamment imprimée par les cors, s'installent immédiatement sous la direction de Christian Schumann. Celui-ci obtient de l'ensemble des pupitres une belle homogénéité du son, la souplesse des lignes et une chaleureuse harmonie. Sa direction rigoureuse fait preuve d'autorité autant que de bienveillance au travers d'une gestuelle d'une grande visibilité. L'imposant crescendo puis les mesures tout en nuance qui conduisent au thème principal sont saisissants ; cordes et bois y introduisent la ferveur d'un éveil à la lumière, à la vie tandis que, rejoints par les cuivres, ils manifestent une réelle puissance bienvenue dans une progression de plus en plus éclatante. Les vents savent éviter dans cette pièce les pièges de la réverbérante scène de La Filature.

Le second mouvement s'ouvre sur l'expression d'une profonde sensibilité, d'une sérénité que les instruments rendent cependant pleine de vie et de force, la traversant de traits impétueux. Le dialogue qui s'établit régulièrement entre les cors, décidément en grande forme, les bois et les cordes, en alternance ou ensemble, connaît des enchaînements rigoureux et fluides scandés par le battement suggestif des timbales. L'Allegretto grazioso offre à la petite harmonie une partie pleine de finesse magistralement interprétée, portée par les heureux pizzicati des violoncelles. C'est avec une énergie débordante que le dernier mouvement est parcouru de vifs éclairs contrastant avec l'aspiration à une certaine intériorité, voire au mystère dont la musique est également porteuse. Ce vaste champ ouvert à mille nuances permet à l'orchestre et à son chef l'expression d'un éblouissant pathos.

L'exécution de cette symphonie suscite un enthousiasme que ne mérite pas complètement la première partie de la soirée. Une ouverture de Don Giovanni qui ne restera pas dans les annales de la formation précède le Triple Concerto de Beethoven. Exception faite de quelques attaques en forme d'à-coup, la formation mène superbement la partie essentielle qui lui revient dans ce concerto. On apprécie par exemple, lors du premier mouvement, son crescendo introductif tout à fait réussi, aussi bien que sa vibrante coda finale. Les tutti forte, sur l'ensemble de l'œuvre, sont sérieusement charpentés. Cordes et bois convergent pour assurer aux solistes, quelle que soit la figure, un répondant finement travaillé. Chaque enchaînement donne l'impression d'une dynamique entraînante.

Le rôle central du violoncelle solo est confié à Victor Julien-Laferrière qui entame une saison de collaboration régulière avec l'orchestre de Mulhouse. Le jeu dégage émotion et intelligence. Le sens et la portée du propos sont toujours clairement présents. Tout semble parfaitement mesuré : la sonorité de l'instrument se tient à distance aussi bien d'une profonde gravité romantique que de la légèreté de lignes mélodiques trop émancipées. Cet équilibre confère notamment aux solos du début du deuxième mouvement une qualité sonore et une force expressive extrêmement touchantes. La manière dont le violoniste Pierre Fouchenneret parvient à former un surprenant miroir de ce jeu est remarquable. Leur dialogue dès le premier mouvement a quelque chose de fascinant qui se retrouvera tout au cours de l'œuvre. Dans la reprise modulée et les variations autour du thème introduisant le dernier mouvement, ce dialogue entre les deux cordes solistes présente une incontestable vitalité. Il est dommage que le jeu de Marie-Ange Nguci au piano, dont le toucher cristallin des aigus et un parcours du clavier virtuose impressionne parfois, ne semble pas parvenir à se joindre à l'engageante esthétique musicale donnée à entendre par les cordes solistes.

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