Il s’agirait de ne pas d’oublier que le « FROM » (Festival Radio France Occitanie Montpellier) ne se déroule pas que dans la préfecture de l'Hérault mais bien dans toute la région Occitanie ! Ces concerts décentralisés sont souvent l’occasion de faire découvrir au public de passage le patrimoine de la région. C’est le cas pour cette journée en forme de marathon à Valmagne, à une quarantaine de kilomètres de Montpellier, avec à la clé quatre concerts, une rencontre avec les artistes et une visite de cette ancienne abbaye cistercienne classée aux Monuments Historiques. Cette journée spéciale Valmagne marque aussi la clôture du Festival du Thau, qui associe une programmation éclectique à une mise en valeur de toutes les richesses architecturales et naturelles du Bassin de Thau, près de Sète.

C'est dans ce cadre particulièrement idyllique que nous avons pu assister aux deux derniers concerts de la journée. Le duo Cocanha, formé par Lila Fraysse et Caroline Dufau, s'installe en extérieur juste à côté de l’abbatiale, offrant ainsi aux spectateurs une vue imprenable sur l’abbaye joliment éclairée. L’ambiance est détendue pour le concert de ce duo atypique qui mêle vieux chants occitans et percussions amplifiées. Placées face à face, les chanteuses-instrumentistes donnent à cette rencontre des styles et des époques une tournure tantôt drôle, tantôt mélancolique qui incite souvent à la danse. De vieilles histoires occitanes souvent issues de la tradition orale rejoignent une rythmique parfois presque techno qui porte assez loin dans cette douce nuit de la campagne héraultaise.

Avant cela, le public retrouvait les fougueux saxophonistes du Quatuor Ellipsos, cette fois-ci à l'intérieur de l’abbatiale et devant d’immenses foudres vinaires, témoins du passé viticole du domaine religieux. Le groupe existe depuis 2003 et vient de sortir un disque chez NoMadMusic consacré au répertoire de Fernande Decruck (1896-1954). C’est d’ailleurs cette compositrice qui ouvre le bal avec une Pavane chaloupée d’une touchante nostalgie. Les joyeux lurons aux tenues colorées et à la bonne humeur contagieuse donnent quelques explications sur les pièces qu’ils s’apprêtent à jouer. Le mélange des genres opère facilement : l’acoustique de la vénérable abbatiale s'avère moins réverbérée qu’attendu et offre aux artistes un écrin confortable et généreux leur permettant de déployer sereinement leur programme singulièrement moderne dans ce cadre ancestral.

Car outre une deuxième œuvre de Decruck ayant permis de bien entendre la sonorité dorée de Paul-Fathi Lacombe au saxophone soprano, rares sont les œuvres originellement composées pour quatuor de saxophones. Le baryton du groupe, Nicolas Herrouët, a ainsi réalisé de splendides transcriptions de pièces pour piano de Debussy. Avant un planant Clair de Lune, on est saisi par Des pas sur la neige et Bruyères, où les Ellipsos surprennent par un jeu sur les couleurs et les textures sans cesse renouvelé, sublimé par ce cadre chargé d’histoire qui amplifie la moindre émotion.

Comme si le saxophone ne suffisait pas, les quatre fantastiques séduisent l’assistance en alternant les pages instrumentales avec des passages en quatuor vocal, principalement dans des gospels où les musiciens invitent le public à chanter avec eux, comme ce sera le cas dans le fameux Hallelujah de Leonard Cohen. Le chant résonne comme une lointaine réminiscence de l’office des complies célébré à cette heure-ci du temps des moines, qui ne se seraient pas doutés que leur église accueillerait un jour un rutilant quatuor de saxophones…


Le voyage d'Augustin a été pris en charge par le Festival Radio France Occitanie Montpellier.

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