En ce premier jour de saison nouvelle, le festival du Printemps des Arts de Monte-Carlo a choisi de mettre à l’honneur le quatuor à cordes sous ses différentes facettes. Entre l’élégance de Mozart, le dépit et l’amertume de Chostakovitch et la frénésie de Ravel, le Quatuor Voce propose un programme dont la diversité de caractère n’a d’égal que celle de l’écriture, arborant tour à tour simplicité apparente et tournures résolument modernes. Un véritable défi d’interprétation relevé par l’ensemble français dans un esprit de complicité.

C’est dans la luxueuse Salle des Arts du One Monte-Carlo, à l’architecture Art Déco, que le festival a donné rendez-vous aux mélomanes impatients de rencontrer les instrumentistes. Le concert de l’après-midi s’ouvre avec le Quatuor à cordes n° 21 en ré majeur de Mozart, premier des quatuors prussiens, dont le commanditaire était lui-même violoncelliste. Il va sans dire que l’instrument occupe un rôle tout particulier dans la composition. Pourtant, loin d’occuper à lui seul le devant de la scène, le violoncelle de Lydia Shelley prône le dialogue avec les autres timbres. Dès le départ, les Voce optent pour une énonciation particulièrement chantante des différents thèmes. Le vibrato et ses moultes variations viennent ponctuer la quasi totalité des fins de phrase. Les nombreux jeux de regard et expressions des visages non masqués révèlent une coopération sincère et certaine entre les musiciens. De cette bonne entente découle également une gestion précise des coups d’archet. On apprécie tout autant les jeux d’écho entre le violon et l’alto que les soudains changements de dynamique apportant coups de théâtre et contrastes expressifs intimement liés à l’écriture mozartienne.
Le spectacle se poursuit dans un registre plus sombre avec le Quatuor à cordes n° 13 de Chostakovitch, cette fois-ci dédié à l’altiste du quatuor Beethoven – formation à l’origine de la création de l’œuvre en 1970. L’alto de Guillaume Becker instaure une atmosphère grave et funèbre. Au terme de son intervention, l’ensemble soutient chaque frottement harmonique, mettant ainsi en lumière la modernité des intervalles dissonants. On applaudit les poignantes montées en tension effectuées par le violoncelle, tout comme l’expression de l’angoisse marquée par les sons sifflés produits par les violons.
La représentation se termine sur l’interprétation de l’unique quatuor de Ravel, en fa majeur. Douceur et éloquence se mêlent dans l’écriture du « géomètre du mystère », comme il plaisait à Roland Manuel de le nommer. Dès les premières notes, les musiciens s’appliquent à rendre la grande diversité de nuances mentionnée dans la partition. Le quatuor prend le parti d’un rendu frénétique par le moyen d’une fusion entre les couleurs des timbres. Bien que l’on regrette légèrement de ne pas rencontrer une plus grande indépendance des parties instrumentales, l’aspect onirique du troisième mouvement est formidablement restitué. La joie se lit sur le visage des interprètes lors du redoutable finale virtuose : les archets fusent, l’engagement physique est à son comble.
Tantôt délicat, tantôt fiévreux, toujours éloquent, le Quatuor Voce aura su ravir l’audience en livrant une lecture complice et convaincante de chaque pièce.