L'orchestre et le chœur de l'Accademia Nazionale di Santa Cecilia ont marqué la fin de la Semaine Sainte d'un grand moment de musique et de spiritualité avec ce bel hommage au Cantor de Leipzig. Les gestes amples mais précis de Sir Antonio Pappano ont mené les musiciens dans une interprétation faite de douceur et d'émotion, parfaitement adaptée à l'oeuvre de Bach.

Le ténor, Andrew Staples a soutenu l'œuvre de bout en bout avec son interprétation irréprochable de la partition de l’évangéliste. Avec une diction sans faille et une endurance remarquable, il a brillé aussi bien dans les nombreux récitatifs que dans des arias très expressifs. Les phrases descendantes du numéro 33 ont été menées avec fougue et nervosité, emportant ainsi les auditeurs dans les méandres de la Passion du Christ. L’interprète de l’évangéliste était placé à la droite directe du chef, les spectateurs ont ainsi pu sentir la proximité et la complicité des deux hommes, tenant l'un sur l'autre pour mener à bien cette œuvre magistrale d’un bout à l’autre de la partition.

Les jeux de nuances extrêmes effectués par les choristes, notamment lors des accompagnements des solos de basse en pianissimi ou encore les très beaux et expressifs passages staccato, viennent contraster avec la gravité et la nervosité sensibles dans les voix d’Andrew Staples et de Christian Gerhaher au fur et à mesure que l’on progresse dans le cheminement de la Passion. L’interprétation lisse et sérieuse du Jesus de Roderick Williams s'oppose aux puissants élans des arias de Pilate que Christian Gerhaher a remplis d'émotions, en mettant notamment l’accent sur les sensibles précédant chaque mouvement cadentiel.

Si les deux solistes, Lucy Crowe (soprano) et Ann Hallenberg (alto), ainsi que le violiste, n’ont que de rares interventions, celles-ci constituent néanmoins de véritables morceaux de bravoure illuminant l’œuvre et lui octroyant une dimension quasi-mystique. Le magnifique aria final interprété par la soprano Lucy Crowe, a retenu l’attention et le souffle de la salle entière avec des tenues d'une intensité et d'une justesse rare où son timbre se mêlait parfaitement à ceux des instruments l'accompagnant.

Luth, viole d'amour, violes de gambe, orgue et clavecin se sont se sont illustrés dans les accompagnements des arias des solistes. Sous la direction de Pappano, que le public parisien aura l'occasion d'entendre le 10 mai prochain à la Philharmonie, la matière musicale devient si homogène et harmonieuse qu’elle transcende les musiciens et devient une entité à part entière, indépendante de l’ensemble qui la fait naître. 

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