Pour célébrer le début de la présidence du Conseil Européen par la Croatie, Bozar programme de nombreux artistes croates en cette nouvelle année 2020. Le concert d'ouverture était l'occasion de réunir le chef belge Peter Van Heyghen et le célèbre contre-ténor croate Max Emanuel Cenčić. Le Croatian Baroque Ensemble ainsi que le chœur de chambre Antiphonus entament le concert avec des pièces de Lurano (1475-1520) et Lukačić (1575-1648) après l'écoute solennelle des hymnes croate et européen.
Le début, en effectif réduit, semble un peu maladroit et bancal mais est vite rattrapé par un chœur chaleureux, qui fait preuve d'une belle diction. Cependant, après quelques minutes, un problème de taille se fait sentir : cette musique n'est véritablement pas faite pour une salle aussi grande. En effet, l'homogénéité générale en pâtit, les deux violons ainsi que le théorbe sont presque inaudibles et l'harmonie nous semble très floue. On sent pourtant les musiciens très investis, avec une ferveur générale assez palpable et de magnifiques interventions, quasi séraphiques, de la soprano Anabela Barić depuis le chœur, qui viennent éclairer ça et là ces petits bijoux de la Renaissance. Malheureusement, cet investissement ne suffit pas à éclipser de nombreux problèmes de justesse et de phrasé, la direction manquant quelque peu de relief et de caractère.
Après cette première partie inégale, l'ensemble des musiciens du CBE entrent sur scène, accompagnés de la mezzo-soprano croate Renata Pokupić. Celle-ci entame « Lascia la spina », air jumeau du fameux « Lascia ch'io pianga » du Rinaldo de Haendel. La direction claire et gracieuse quoi qu'un peu morcelée de Peter Van Heyghen séduit d'emblée. La chanteuse vient déposer sa plainte si touchante sur les phrasés souples des cordes. La voix est ronde et homogène, avec de magnifiques aigus. Mais la diction inintelligible, l'uniformité des couleurs et l'attitude scénique excessivement exubérante desservent son chant. Si son « Dopo notte », extrait d'Ariodante, sera tout de même plus flatteur, les médiums et les graves ne parviennent alors pas jusqu'au public et l'approximation des vocalises rendent le tout peu touchant et très perfectible.