Tout ce que la musique russe peut évoquer de force et de fermeté, de passion sourde et d’intensité, Danny Driver l’a livré mercredi soir à la Salle Bourgie. Dans le cadre de la série « Complètement piano » de la Fondation Arte Musica, durant laquelle les compositeurs russes sont mis à l’honneur, le pianiste proposait un récital autour de Bach, Schumann, Balakirev, Rachmaninov et Prokofiev.
Faut-il faire usage de la pédale dans Bach ? Entre ceux qui l’utilisent à outrance et ceux qui se refusent obstinément à l’employer, la palette de possibilités est large. Danny Driver, lui, a trouvé sa voie : la pédale, importante sans être jamais superflue, vient servir un jeu très sensible. Il joue volontiers legato, projette un son franc et recourt à quelques légers rubatos, dans une atmosphère générale de fluidité. Il donne en outre à chaque voix beaucoup de personnalité, comme dans la Sarabande de la Suite française n° 5, où, pour offrir un joli contraste, la main gauche se déplace un peu lourdement sous une main droite chantante et légère.
Le son de Danny Driver est généralement large et imposant, à tout le moins dans un répertoire plus romantique. Les Études symphoniques de Schumann, le Nocturne de Balakirev et les trois Études-tableaux de Rachmaninov choisies lui ont permis d’en faire la démonstration. Dans Schumann, il offre une introduction solide et y dépose avec fermeté ses accords. Toute la pièce se ressent ensuite d’une énergie très chaude. Il laisse résonner longuement les harmonies et, sans jamais tomber dans la sensiblerie, donne libre cours à son sentiment. La dernière étude, elle, est éclatante, comme on pouvait s’y attendre, mais à ce propos, une remarque : elle l’aurait été davantage encore, nous semble-t-il, si toute la bouillonnante énergie dont il est capable avait été un peu plus contenue au fil des sections précédentes.