Dans le cadre d’une intéressante formule baptisée « Symphonic Hour », le Belgian National Orchestra offre de temps à autre à son public un programme où sont proposées deux œuvres jouées à la suite sans entracte et frisant plus ou moins – en général, plus – l’heure de durée. Pour ce concert du vendredi soir, l'affiche est particulièrement alléchante. La formation bruxelloise retrouve à sa tête son premier chef invité Roberto González-Monjas, dans une Salle Henry Le Bœuf très bien remplie. Le chef espagnol est aussi un violoniste accompli qui occupa pendant plusieurs saisons la position de Konzertmeister à l’Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia à Rome puis au Musikkollegium de Winterthur avant de se consacrer davantage à la direction d’orchestre.

Roberto González-Monjas avec le BNO à Bozar © Marin Driguez / Belgian National Orchestra
Roberto González-Monjas avec le BNO à Bozar
© Marin Driguez / Belgian National Orchestra

C’est à ce double titre que González-Monjas entame la soirée par le Quatrième Concerto pour violon de Mozart. Faisant d’abord face à l’orchestre dans l’introduction de l'ouvrage (où il joue également la partie des premiers violons), il se tourne ensuite vers le public pour ses interventions en soliste. S’il n’a pas la sonorité la plus charmeuse qui soit, on apprécie tout de suite la franchise et la probité du chef-soliste dans une interprétation d’un beau naturel, où rien n’est jamais forcé.

La technique du violoniste est très solide tant sur le plan de la justesse que sur celui de la conduite d’archet, et mise au service d’une approche sobre et sincère. Dans le mouvement lent, il adopte un vibrato un plus généreux tout en gardant un phrasé éloquent et en introduisant une brève et subtile cadence. Le Rondeau final est placé sous le signe d’une belle franchise avec un côté terrien à la Haydn très bienvenu. Les amateurs de beau violon auront certainement goûté le bel épisode en doubles cordes où González-Monjas fait apprécier une justesse impeccable. L’orchestre, où on aurait pu réduire le nombre de violons au profit de la transparence orchestrale, accompagne le soliste avec enthousiasme et réagit au quart de tour aux incitations du chef. 

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Roberto González-Monjas avec le BNO à Bozar
© Marin Driguez / Belgian National Orchestra

Le temps qu’on installe le podium et que la grande formation symphonique se mette en place et voici Roberto González-Monjas installé devant le BNO au grand complet pour les Tableaux d’une exposition de Moussorgski orchestrés par Ravel. Dirigeant sans partition, le chef va obtenir une splendide prestation d’un orchestre enthousiaste et totalement impliqué. Dès la Promenade qui ouvre l’œuvre, on apprécie la sonorité assez massive et très russe que González-Monjas obtient de l’orchestre, avec des cuivres particulièrement rutilants. Les cordes graves savent se montrer menaçantes dans Gnomus. Outre le solo de saxophone très finement interprété, Il vecchio castello permet au basson et au cor anglais de se mettre en valeur, les cordes faisant preuve d’une finesse et d’une transparence remarquables.

Bydlo a exactement le caractère pesante que réclame la partition (et quel beau solo de tuba !). Après un Ballet des poussins dans leur coque qui fait office de scherzo aérien, Samuel Goldenberg et Schmuyle est marqué par des attaques féroces des cordes graves et, surtout, une trompette solo narquoise et au souffle apparemment inépuisable. Après l’animation du Marché de Limoges et des Catacombes où cors et trombones se montrent pleins d’assurance, la Cabane sur des pattes de poule prend des allure de chevauchée épique. Et c’est d’une main sûre que González-Monjas conduit l’orchestre dans une Grande porte de Kiev imposante et majestueuse, véritable apothéose qui couronne une électrisante interprétation offerte par un chef maîtrisant tous les sortilèges de la partition, à la tête d’un orchestre en toute grande forme.

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