Le Festival Radio France Occitanie Montpellier propose de riches soirées pour les amateurs de musique symphonique : hier c’était l'Orchestre Philharmonique de Radio France, demain l’Orchestre National de France, maintenant celui de Montpellier. Trois phalanges qui se suivent pour le régal des festivaliers : la grande salle du Corum est comble les trois soirs.

Jonathan Fournel et l'Orchestre national de Montpellier Occitanie au Festival de Radio France © Alyssa Leroy
Jonathan Fournel et l'Orchestre national de Montpellier Occitanie au Festival de Radio France
© Alyssa Leroy

On est aussi là pour entendre Jonathan Fournel dans le Concerto pour piano de Schumann. Las, dès les premiers accords, on perçoit un décalage entre le piano et l’orchestre qui persistera pendant tout le premier mouvement : Fournel dynamise, impulse, mais l’orchestre ne suit pas – malgré la présence physiquement indéniable de Roderick Cox, le nouveau directeur musical de l'OONM, au pupitre. Alors on écoute Jonathan Fournel, on admire sa prise de parole sensible, le fantastique toucher de sa main droite, ses doigts qui conduisent la mélodie avec un toucher merveilleux. La cadence parvient à nous surprendre : le discours au début s’étire démesurément, puis se resserre, se tend, jusqu’à des trilles tellement fins que les deux notes semblent fondues.

Fournel chante l’« Intermezzo » de tout son cœur, comme s’il s’agissait d’une mélodie d’enfance chaleureuse et poétique, et il s’amuse, les yeux rieurs, donnant à la musique de Schumann un caractère primesautier. La partition lui donne plus d’espace, le caractère dialogué est plus présent, alors il en joue, il lance l’orchestre qui maintenant prend la balle au bond – et non plus après le rebond.

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Roderick Cox au Festival Radio France Montpellier Occitanie
© Alyssa Leroy

Là, on y est ! L’« Allegro vivace » peut exploser, les musiciens sont en phase. Le pianiste se régale, varie ses interventions avec des micro nuances qui nous surprennent, une qualité de legato splendide, des phrasés qui respirent. Les dernières minutes sont éblouissantes d’énergie, d’engagement de toutes parts, avec un Fournel extatique. Rappelé, il propose en bis un deuxième Klavierstück de Brahms confondant de simplicité et de naturel, une interprétation chimiquement pure qui nous laisse ému.

C’est un tout autre Brahms qui ouvrait le concert, le Chant du destin (Schicksalslied) avec chœur. La première partie est assez posée, le son droit, avec de belles interventions du timbalier Étienne Bille qui rappellent la Première Symphonie ou le Requiem allemand. On est donc surpris par l’arrivée d’un chœur aux accents trop lyriques, trop timbrés, pas toujours unifiés. Placé très au fond, contre la cloison, il projette un son qui sature vite. Quelques beaux passages aux cordes (une phrase qui s’étire, passant des violoncelles, aux altos, aux violons 2 puis aux violons 1, avec une liaison très réussie) ne rattrapent pas une impression d’ensemble aux allures de rendez-vous manqué avec cette pièce de toute beauté.

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Roderick Cox et l'Orchestre national de Montpellier Occitanie au Festival de Radio France
© Alyssa Leroy

La Symphonie « du Nouveau Monde » de Dvořák qui clôt le concert nous offre l’occasion de mieux observer l’Américain Roderick Cox, qui achève sa première saison à la tête de l’Orchestre de Montpellier. L’homme en impose. Jeune (37 ans), grand, très grand ; quand d’un jet de baguette il intime l’ordre à un pupitre de pousser le curseur, les rangs répondent instantanément. Mais ce n’est pas que de la puissance, on est aussi aimanté par ses mains expressives, on sent dans la préparation de l’orchestre un souci du détail, sensible par exemple dans la caractérisation des rythmes du premier mouvement. Le cor anglais de Tiphaine Vigneron est bien au rendez-vous du « Largo », juste et tendre dans sa mélodie nostalgique tellement attendue. L’« Allegro con fuoco » conclusif brasse une dernière fois le matériau thématique de l’œuvre, avec précision et jubilation.



Le déplacement de Thibault a été pris en charge par le Festival Radio France Occitanie Montpellier.

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