LA Dance Project collectif fondé et dirigé par Benjamin Millepied, est de retour à Paris au Théâtre des Champs Elysées avec un programme néoclassique mêlant les compositions de Martha Graham et William Forsythe à celles plus récentes de Justin Peck et de Benjamin Millepied. Un spectacle hétéroclite d’une intensité variable, qui permet avant tout de découvrir une troupe d’une dizaine de danseurs talentueux.
Quintett créée à Francfort en 1993 par William Forsythe, est de loin le plus intéressant moment de danse de la soirée. En boucle, pendant près de trente minutes, une voix lointaine et grinçante chantonne « Jesus’ Blood Never Failed Me Yet », comme à travers un gramophone. L’atmosphère est feutrée et enveloppe intimement les cinq danseurs qui occupent l’espace. Un projecteur en milieu de scène jette un halo blanc sur le mur du fond, lumière que les interprètes contemplent rêveusement. C’est cet infini qu’ils cherchent à plusieurs reprises à capturer, regardant vers le lointain et refermant leurs mains dans le vide comme pour attraper l’horizon. Mais l’oraison sans cesse répétée s’éraille progressivement et les danseurs tournent à vide. Aussi se débattent-ils en vain, ressassant les mêmes gestes lancinants, lorsque le rideau tombe. La chorégraphie est riche en subtilités et les interprètes du L.A. Dance Project ont su trouver le ton juste. On remarque tout particulièrement la très belle performance de la danseuse Rachelle Rafailedes, dans cette œuvre qui nécessite autant d’endurance que de concentration.
La déception provoquée ensuite par la retranscription des Duets de Martha Graham n’en est que plus grande. Extraits du documentaire A Dancer’s World (1957), ces trois duos, qui avaient été eux-mêmes tirés de chorégraphies plus longues, semblent déracinés. De quelques minutes à peine, ceux-ci sont coupés de leur contexte d’origine et n’apportent aucune lumière sur le travail original de Martha Graham. La chorégraphie apparaît ainsi ordinaire et trompeusement proche du langage néoclassique. C’est faire peu d’honneur à Martha Graham, à qui l’on crédite la primauté du geste contemporain, et dont le travail a plus de densité que ce que ces Duets nous montrent.