Le Grand Théâtre de Provence a proposé samedi dernier une exceptionnelle version de concert des Pêcheurs de perles de Bizet. Une première au Festival d’Aix-en-Provence, qui coïncide avec le cent-cinquantenaire de la naissance du compositeur. La soirée, dirigée par Marc Minkowski, chef historique et fondateur en 1982 de son orchestre des Musiciens du Louvre, est aussi marquée par l’annonce émue du décès, le matin même, de la mezzo Béatrice Uria-Monzon, à qui le concert est dédié.

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Marc Minkowski dirige ses Musiciens du Louvre
© Vincent Beaume

L’œuvre, créée en 1863, met en scène un triangle amoureux sur fond de loyauté et de renoncement. À Ceylan, deux amis d’enfance, Nadir et Zurga, tombent amoureux de Leïla, prêtresse tenue au vœu de silence. L’un des deux trahira leur serment d’amitié. L’amour, le devoir et la rédemption s’entrechoquent dans une partition lumineuse.

Plutôt que la version de tradition que le public connaît le plus souvent, Minkowski restitue la version originale, rarement entendue, avec notamment les premières mesures au hautbois et aussi la suite « Amitié sainte », sorte de petite cabalette dans la continuité du duo du premier acte « Au fond du temple saint », entre Nadir et Zurga.

Le résultat orchestral est globalement saisissant : les Musiciens du Louvre brillent par la chaleur de leur ensemble, la rondeur et la finesse des timbres de leurs instruments d'époque, et ils trouvent aussi du souffle et de l’énergie pour les climax, comme lors de l’embrasement final du deuxième acte « Brahma ! divin Brahma ! ». L’animation musicale est soignée par Minkowski et ses troupes, même pour les récitatifs des différents protagonistes, toujours passionnants. Très attentif à ses solistes et choristes, le chef veille en outre en permanence au bon équilibre entre musique et voix.

Elsa Benoit, Marc Minkowski et Pene Pati saluent le public aixois © Vincent Beaume
Elsa Benoit, Marc Minkowski et Pene Pati saluent le public aixois
© Vincent Beaume

La Leïla de la soprano Elsa Benoit, en prise de rôle ce soir, livre une interprétation tout en souplesse et émotion, assurant une musicalité sans faille, ainsi que de solides qualités techniques, en particulier la fluidité des petits passages vocalisés en fin de premier acte. Sa facilité d’extension vers l’aigu et le contrôle d’un long souffle font mouche pour détailler sa subtile cavatine de l'acte II (« Comme autrefois dans la nuit sombre »). Également en première apparition en Nadir, Pene Pati fait sensation : diction idéale, ligne de chant caressante, aigus évanescents en voix mixte ou voix de tête, en premier lieu pour conduire son air « Je crois entendre encore » qui devient un pur moment de douce poésie.

Le baryton Florian Sempey campe un Zurga plus contrasté. D’abord tout de colère et de puissance dans sa projection vocale, il révèle un peu plus tard ses fêlures dans l’air du troisième acte « O Nadir, tendre ami de mon jeune âge ! ». Ceci également dans le duo qui suit avec Leïla, d’un contour dramatique qui ne peut qu’emporter le public qui lance alors ses applaudissements, interrompant brièvement le chef sur sa lancée. La basse Edwin Crossley-Mercer complète la distribution dans le rôle nettement moins sollicité de Nourabad, cultivant un timbre riche, une voix large et justement autoritaire pour ce personnage.

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Edwin Crossley-Mercer, entre Florian Sempey et Marc Minkowski
© Vincent Beaume

Le Chœur de l’Opéra Grand Avignon, un peu fragile en début de représentation, trouve vite ses marques. Le public ne se trompe pas pour apprécier à sa juste valeur ce grand moment lyrique : ovation debout pour une soirée rare, authentique et brillamment interprétée.

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