Ce devait être la clôture d’une année consacrée à l’intégrale des quatuors de Mendelssohn : le concert du Quatuor Van Kuijk au Théâtre des Bouffes du Nord aura en fait été l’un des premiers de la série, comme le souligne Sylvain Favre-Bulle (second violon) en introduction. Une intégrale ambitieuse à bien des titres : d’abord parce que le compositeur est l’auteur de pas moins de sept quatuors ainsi que de plusieurs pièces courtes, ensuite parce que démontrer la complexité de ce corpus, qui souffre parfois de la comparaison avec celui de Beethoven ou de Schubert, constitue en soi un défi.
Le concert s’ouvre logiquement avec une pièce de jeunesse, le Quatuor en la mineur opus 13, composé par Felix Mendelssohn à l’âge de dix-huit ans. Pourtant, ce n’est pas du côté de l’exubérance juvénile que vont chercher les quatre musiciens : l’introduction Adagio, très intérieure, fait plutôt naître un sentiment de sourde inquiétude, les notes commençant sans vibrato et enflant peu à peu. Une inquiétude qui n’explosera pas dans l’Allegro vivace, dont le quatuor souligne les grandes courbes plutôt que les attaques mordantes, à travers un legato constant, un soutien du son sans faille, et surtout une homogénéité des timbres impressionnante.
C’est cette homogénéité qui fait la beauté de cette lecture, mais elle en est aussi le talon d’Achille. L’équilibre impeccable qui règne entre les quatre instruments permet aux musiciens de mêler leur son jusqu’à les rendre indiscernables et de dessiner dans un ensemble parfait les longues phrases de l’Adagio non lento ; il aide aussi à enchâsser les différentes voix dans l’Allegro di molto du troisième mouvement et permet d’obtenir des pianissimos superbes, mystérieux et détimbrés, dans le finale. Mais on aimerait parfois que la mélodie du premier violon ressorte davantage ; et surtout, on se prend à souhaiter un peu plus de relief dans les passages les plus rapides, parfois pris à un tempo un peu trop raisonnable (comme dans l’Intermezzo). Ce sont finalement les quelques trouvailles plus originales des Van Kuijk, comme l’étrange coda sans aucun vibrato du troisième mouvement ou les cadences quasi improvisées du premier violon dans le finale, qui donnent plus de charme à cette lecture par ailleurs très élégante.