Il est intéressant de voir qu’alors que la montée en puissance des tenants de l’authenticité musicale avait un moment amené les phalanges symphoniques à renoncer au répertoire baroque (à moins de solliciter des « baroqueux » pour le leur réenseigner), cette espèce de pudeur s’efface et les formations traditionnelles se sont remises aux grandes œuvres chorales de Bach et Haendel. Mais comme on l’a entendu ce dimanche au Palais des Beaux-Arts, il faut s’adapter pour survivre : finis donc les grands orchestres symphoniques et les gigantesques chœurs, place à des versions dégraissées prenant en compte les acquis de la musicologie.

C’est ainsi que pour son exécution du Messie de Haendel, le Belgian National Orchestra est ramené à un ensemble de chambre de 33 exécutants (organiste/claveciniste compris), alors que le magnifique Chœur de chambre de Namur compte 24 chanteurs. Les deux formations sont placées sous la direction à la fois soignée, claire et ferme du chef britannique Ian Page. Pouvant compter sur une coopération sans réserve des forces placées à sa disposition, cet artiste à la direction très fine quoique peu spectaculaire amène les cordes de l’orchestre (en excellente forme) à jouer en soignant particulièrement l’articulation et en ayant recours au minimum de vibrato. Et on peut dire que le résultat ne déçoit pas. Depuis l’ouverture à la française aux rythmes finement pointés jusqu’à l’Amen final, il n’y aura pas un moment d’ennui ou de lourdeur dans cette interprétation à la fois ferme, énergique et sensible.
Avant de louer les solistes, il faut saluer (une fois de plus) la prestation de premier ordre des membres du Chœur de chambre de Namur dans cette œuvre où la partie chorale est si importante. Ensemble, intonation, équilibre, beauté sonore, nuances : on est ici proche de la perfection. Tous les pupitres sont à louer, mais il faut cependant mettre en évidence l’extraordinaire qualité des sopranos de cette formation.
Après avoir dit tant de bien des forces orchestrales et chorales qui garnissent la scène d’une Salle Henry Le Bœuf très bien remplie, il convient de s’attarder sur un très convaincant quatuor de solistes vocaux. Si Sandrine Piau constituait pour beaucoup la grande attraction de ce concert, ses collègues, pour être moins connus, ne le lui cèdent en rien. La voix chaude et la technique très sûre du ténor Patrick Grahl fait dresser l’oreille dès sa première intervention dans un « Ev'ry valley » aux vocalises aisées. Très en forme, la basse Johannes Weisser impressionne lui aussi par son timbre noir et sa véhémence dans un brillant « Why do the nations » comme dans « The trumpet shall sound » où, dialoguant avec l’excellent trompettiste Andreu Vidal, il paraît comme vaciller face au mystère de la Résurrection.
La grande révélation est cependant le sensible contre-ténor Benjamin Williamson qui utilise avec beaucoup de délicatesse sa voix au volume réduit mais au timbre très plaisant, comme dans le superbe « He was despised ». Quant à Sandrine Piau qui dans dans un premier temps a semblé éprouver des problèmes d’émission, elle n'a cessé de s’améliorer au cours du concert pour terminer à son meilleur niveau sur un touchant « If God be for us ».