Qu’est-ce qu’un son d'orchestre français ? À partir des années 60, le développement de l’enregistrement, les voyages des musiciens et des instruments ont contribué à uniformiser le son des orchestres. Il subsiste cependant certaines spécificités liées à des traditions locales et, si l'on voulait simplifier, on pourrait dire qu'un orchestre français possède un son plutôt transparent, avec des cordes souples et légères, des bois assez pointus et des cuivres incisifs. Ce sont précisément tous ces éléments qu'on a retrouvés ce jeudi 12 octobre en écoutant l’Orchestre National de Lille, sous la direction de François Leleux.

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L'Orchestre National de Lille, sous la direction de François Leleux
© Ugo Ponte / Orchestre National de Lille

C’est avec les contes de Ma mère l'Oye de Ravel que s’ouvre une soirée éblouissante. Le style orchestral français, aux couleurs claires et aux lignes scintillantes, trouve son apogée dans cette œuvre. Chaque pièce revêt un caractère propre sous la baguette et le sourire de Leleux, des tendres pas de danse de la Pavane de la Belle au Bois Dormant aux lumières enchanteresses du Jardin féerique. Cette plongée au pays des merveilles se fait aussi grâce aux qualités de timbre des cordes, complètement soyeuses, et des flûtes et des anches doubles. Toutes les images des contes de Charles Perrault et consorts qui ont inspiré Maurice Ravel prennent vie et transforment la salle du Nouveau Siècle en un cocon délicat.

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Victor Julien-Laferrière et François Leleux
© Ugo Ponte / Orchestre National de Lille

L'ONL est ensuite rejoint par Victor Julien-Laferrière qui revient au Nouveau Siècle pour la quatrième fois, offrant une lecture fougueuse mais élégante du Concerto pour violoncelle en ré mineur d’Édouard Lalo, compositeur lillois dont on fête en 2023 le bicentenaire de la naissance. La partition est assez originale en cela qu’elle ne propose pas de thème à proprement parler ni de véritable moment de virtuosité. Les vrais enjeux de ce concerto se trouvent davantage dans la construction dramatique et l’art déclamatoire du soliste.

Le violoncelliste français s’aventure dans l’œuvre de Lalo avec une certaine prudence au départ. Son premier mouvement manque clairement d’audace et de passion, comme empâté dans une mollesse d'articulation et un vibrato bien trop présent. Fort heureusement, on finit par profiter de ses vrais atouts au cours des autres mouvements : élégance, sérénité, grande palette dynamique… Il faut dire que l’agitation de François Leleux à ses côtés y est peut-être pour quelque chose.

François Leleux dirige l'Orchestre National de Lille © Ugo Ponte / Orchestre National de Lille
François Leleux dirige l'Orchestre National de Lille
© Ugo Ponte / Orchestre National de Lille

On connaissait bien Leleux pour sa qualité de hautboïste – on peut même le qualifier de véritable vitrine du hautbois français à l’international. Pourtant c’est à la baguette qu’il nous régale ce soir, avec un enthousiasme contagieux. Il y a une joie et une exubérance presque enfantine dans sa manière de diriger, enjoignant les instrumentistes à le suivre dans ses gesticulations superlatives. La vision du chef – si l’on parvient à faire fi de sa gestique débordante – magnifie tous les aspects de la Deuxième Symphonie de Beethoven : l'ouvrage se révèle ainsi grandiose sans être pompeux, percutant en évitant toute sécheresse, contrasté mais pas fragmenté pour autant. On trouve ainsi dans le jeu de l’ONL quelque chose de naturel et d’évident, comme si les musiciens s’étaient parfaitement et entièrement approprié le langage beethovénien.

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