Cela faisait près de dix ans que le Ballet de l’Opéra de Paris n’avait plus dansé Paquita, ballet remonté par Pierre Lacotte en 2001 d’après Joseph Mazilier et Marius Petipa. Cette nouvelle série, malheureusement émaillée par plusieurs annulations au début du mois en raison de grèves, est l’occasion de découvrir un classique du répertoire de l’Opéra de Paris sur la musique retentissante de Ludwig Minkus, et de voir de nouveaux talents faire leurs preuves sur scène. Caractérisé par une chorégraphie souvent alambiquée, Paquita représente cependant davantage un exercice de style apprécié des spécialistes qu’un ballet féérique de fin d’année.

<i>Paquita</i> à l'Opéra Bastille &copy; Maria-Helena Buckley
Paquita à l'Opéra Bastille
© Maria-Helena Buckley

Le ballet narre l’histoire de Paquita, jeune gitane orpheline éprise d’un officier de la garde napoléonienne, qu’elle sauve du péril mortel d’un guet-apens. Alors que sa condition lui interdit d’épouser son amant, un deus ex machina révèle en fait sa noble origine. S’ensuivent alors les célébrations du mariage, dans un second acte cérémonieux qui transpose le ballet comique en une composition quasiment néoclassique avec le célèbre « Grand Pas ».

Pierre Lacotte, dans un travail de création plus que d’archéologie – car Paquita est un ballet perdu, composé au XIXe siècle mais oublié au siècle suivant – donne vie à un ballet sans aspérité, auquel il manque une coloration particulière. Moins espagnol que Don Quichotte, moins joyeux que La Fille mal gardée, franchement pas gitan pour un sou, Paquita donne plutôt dans la raideur de l’Empire que dans la ferveur ibérique. La chorégraphie est truffée d’un délicieux travail technique de bas de jambes et de placements de groupe retors, ravissements pour qui s’y intéresse, mais de faible effet sur la grande scène de l’Opéra Bastille.

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Guillaume Diop dans Paquita à l'Opéra Bastille
© Maria-Helena Buckley

Dans le rôle-titre de Paquita, la danseuse étoile Valentine Colasante montre un travail impeccable, avec des temps de pointes superbement suspendus, un mouvement bien fini et une virtuosité toute particulière dans les diagonales et les fouettés du « Grand Pas ». Littéralement propulsé par sa participation à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, Guillaume Diop est le danseur bien-aimé du public, au visage angélique et aux jambes incomparablement longues. Son interprétation distraite, ses réceptions de sauts pas toujours très nettes nécessiteraient encore de l’exercice, mais sa présence en scène emporte tout.

Dans les rôles secondaires, on peut regretter une interprétation généralement assez réservée de la plupart des solistes, davantage concentrés sur les aspects techniques de la danse que sur la dramaturgie. Pablo Legasa passe complètement à côté de son personnage de bandit, tandis que Naïs Duboscq dans le rôle aristocratique de Dona Serafina reste très fermée, avec un travail propre mais trop mesuré. Il faut attendre le « Pas de Trois » au milieu du premier acte pour gagner de l’entrain, avec la brillante interprétation du trio formé par Inès McIntosh, royale dans l’affirmation de sa danse, Marine Ganio, qui montre une danse habitée, et Francesco Mura, à l’élévation magnifique.

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Paquita à l'Opéra Bastille
© Maria-Helena Buckley

Le corps de ballet, peu habitué à ce ballet aux placements scéniques souvent inutilement complexes, montre de nombreux flottements dans un premier acte un rien balbutiant. Lors de l’exigeant « Grand Pas », le corps de ballet féminin se montre en revanche plus robuste.

Enfin, il faut saluer la courageuse participation des élèves de l’École de danse dans la méchante mazurka que leur a gratifiée Pierre Lacotte, qui allie des déplacements de groupe malaisés à une marche cahotante, difficile à raccrocher à la musique. Heureusement, les petites frimousses des premiers rangs suffisent à elles seules à susciter l’émoi ; dans le fond, c’est peut-être en elles que réside la féérie ténue de ce Paquita un peu scolaire.

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