Ce n'était sans doute pas l'élément central du programme proposé ce soir à la Maison de la radio et de la musique par l'Orchestre National de France devant un public où près de 400 lycéens avaient pris place. Et pourtant c'est bien le Concerto pour alto de William Walton et surtout son soliste, Antoine Tamestit, qui nous auront laissé le plus vif souvenir d'une soirée pour le moins contrastée.

Antoine Tamestit et Marie Jacquot en répétition © Christophe Abramowitz / Radio France
Antoine Tamestit et Marie Jacquot en répétition
© Christophe Abramowitz / Radio France

William Walton est un peu le vilain petit canard de la musique anglaise du XXe siècle. Il se distingue autant du courant post-victorien incarné par Elgar puis Vaughan Williams que de son quasi-contemporain Benjamin Britten, par une liberté de ton, une inspiration qui prend sa source dans la musique élisabéthaine et se nourrit à des influences germaniques ou orientales. Œuvre d'un tout jeune homme de 27 ans, son Concerto pour alto peut déconcerter par sa découpe. L'« Andante comodo » initial accueille le soliste par une mélodie tendre et nostalgique, qu'entoure un orchestre d'abord réduit aux cordes, puis s'élargissant aux bois et aux cuivres qui ponctuent le thème principal.

D'emblée le Stradivarius de 1672 que joue Antoine Tamestit irradie la musique de Walton, accroche l'auditoire aussitôt silencieux et attentif. Tamestit donne toujours cette impression de transfigurer tout ce qu'il joue. On le sent plus d'une fois désireux de mener l'orchestre et de se substituer à la cheffe Marie Jacquot dont l'accompagnement est bien lisse et terne. il va jouer d'une évidente complicité avec les musiciens du National. Dans le deuxième mouvement « Vivo e molto preciso », quelques décalages dans l'orchestre ne parviennent pas à juguler l'irrésistible élan du soliste. Quant au troisième mouvement « Allegro moderato », c'est un cas d'école : Walton fait la part belle au tutti d'orchestre avec des thèmes audacieux, des développements fugués qui évoquent plus d'une fois les textures chargées de Hindemith, tandis que l'alto se replie sur un chant presque confidentiel, renouant avec la mélodie du début. Antoine Tamestit remerciera le public pour son accueil et dédiera à la mémoire de Sofia Goubaidoulina une song de John Dowland, accompagné par la harpe d'Emilie Gastaud.

Que dire du reste du programme plutôt hétéroclite, censé marquer les débuts de Marie Jacquot à Radio France et à la tête de l'Orchestre National de France ? La barque était à l'évidence trop chargée. Pourquoi un tel parcours d'obstacles – une création, deux œuvres inconnues ou presque, et, de l'aveu même d'illustres baguettes, le plus complexe des trois ballets de Stravinsky, Petrouchka ? Faut-il en vouloir à la jeune cheffe, Révélation des Victoires de la Musique classique 2024, de n'avoir pas convaincu les auditeurs les mieux disposés à son égard ?

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Marie Jacquot en répétition avec l'Orchestre National de France
© Christophe Abramowitz / Radio France

Comme l'orchestre et Cristian Măcelaru l'avaient fait en début de saison, c'est la compositrice Elsa Barraine (1910-1990) qui ouvrait le concert. Sa courte pièce Les Tziganes (dont le programme de salle ne dit absolument rien) se distingue avant tout par une orchestration un peu bruyante et s'oublie aussitôt jouée, n'étaient les quelques traits du violon solo Luc Héry, censés évoquer le titre de l'œuvre.

Suivait une création de Frédéric Maurin, Superphoniques, donnée dans le cadre de l'opération éponyme (destinée à initier les lycéens à la musique contemporaine) dont le compositeur a été le lauréat en 2024. On n'est pas sûr que les nombreux lycéens présents dans l'auditorium, comme le reste du public, aient bien reçu cette création, à en juger par la brièveté de leurs applaudissements, et ce n'est pas la longue et absconse note d'intention de l'auteur qui nous aura convaincu – les dix minutes nous auront paru bien longues pour un melting-pot bien confus. 

Après l'entracte, le reste du programme ne sera pas moins oubliable. S'il y a une œuvre où l'imaginaire, la narration, le burlesque, l'inattendu des situations peuvent se laisser libre cours, c'est bien Petrouchka, qui est aussi et en même temps une phénoménale démonstration d'orchestre. Or la jeune cheffe française paraîtra tout du long de ces quatre tableaux prisonnière d'une gestique minimaliste, trop plongée dans la partition et ses constants changements de rythmes pour laisser s'épanouir le pittoresque de ces scènes populaires et les savoureux solos de basson, de flûte et de trompette. Dommage !

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