Envie de fraîcheur et de renouveau pour commencer la saison qui s’ouvre à peine ? Voici dix musiciens – ou ensembles de musiciens – français, solistes, chambristes, chanteurs, chef, compositrice qui méritent le détour… et prouvent que la nouvelle génération des artistes classiques annonce de beaux lendemains dans l'Hexagone.

Arthur Hinnewinkel (piano)

Ce grand escogriffe né en l’an 2000 est doucement en train de s’installer dans la galaxie (pourtant chargée) des pianistes qui comptent. Tout récent finaliste du fameux Concours Clara Haskil – où il a joué pour la première fois avec orchestre –, il se distingue par un jeu puissant, une vision claire, un toucher habité, capable de satelliser les œuvres qu’il joue dans des dimensions inattendues. Notre rédacteur spécialiste ès piano, Alain Lompech, l’avait remarqué lors de l’été 2022 ; depuis, Arthur Hinnewinkel a (déjà) fait ses débuts à La Roque d’Anthéron. Ce n’est que le début d’une carrière dont on attend avec impatience les prochaines étapes.

Juliette Journaux (piano)

C’est un tout autre profil de pianiste qu’il faut impérativement découvrir, si ce n’est pas déjà fait : Juliette Journaux est loin d’être une inconnue dans le milieu des chanteurs, qui apprécient ses talents de coloriste dans le domaine de la mélodie et du lied mais également son métier de cheffe de chant – la jeune pianiste vient d’ailleurs d’être nommée professeure de coaching vocal à la Haute École de Musique de Genève. Mais là voilà qui sort de l’ombre ce mois-ci avec la parution d’un formidable album solo chez Alpha, comportant des transcriptions originales d’extraits d’opéras de Wagner et de lieder mahlériens… Une voix personnelle, singulière, toujours juste et éminemment poétique, de celles qu’on rêverait d’entendre plus souvent.

Loading image...
Juliette Journaux
© Olivier Lalane

Magdalena Sypniewska (violon)

Cela fait quelques années que cette jeune violoniste se fait une place dans le milieu des cordes frottées… Une place, vraiment ? Un vrai carré familial en première classe ! Membre du prometteur Trio Sypniewski avec ses sœurs Anna et Caroline, ancienne académiste de l’Orchestre de Paris, elle est aussi une soliste de talent (elle vient de remporter le Deuxième Prix et le Prix de la meilleure interprétation de Mozart au Concours Vittorio Veneto) et on la voit de plus en plus souvent garnir les rangs des meilleurs orchestres historiquement informés. Une musicienne ultra polyvalente, à suivre assurément – quelle que soit la direction que prendra sa carrière tentaculaire.

Loading image...
Iris Daverio
© Anna-Margret Noorhani

Iris Daverio (flûte)

On sait que les plus grands orchestres internationaux aiment se fournir en bois dans les conservatoires français, notamment en matière de flûtes. Emmanuel Pahud fait toujours les beaux jours des Berliner Philharmoniker, Julie Moulin (Concertgebouw d’Amsterdam) et Joséphine Olech (Rotterdam Philharmonic) enchantent les Pays-Bas… Réjouissons-nous donc de voir la dernière pépite française rester (pour l’instant) dans l’Hexagone : Iris Daverio vient d’être nommée au poste prestigieux de flûte solo à l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, à un âge exceptionnellement jeune – elle est née en 2000. Cette saison plus que jamais, gardez une oreille sur la fosse quand vous visiterez la Grande Boutique.

Quatuor Métamorphoses (quatuor à cordes)

On pourrait nous accuser de népotisme à Bachtrack, leur second violon étant l'un de nos fidèles rédacteurs – Pierre Liscia-Beaurenaut, qui avait d'ailleurs raconté sur notre site ses débuts dans le groupe. Mais force est de constater que, depuis le renouvellement pour moitié de ses membres, le Quatuor Métamorphoses est en train de faire son trou dans le petit milieu pourtant riche des quatuors à cordes français, s'attirant l'estime des spécialistes les plus exigeants ; demandez par exemple à Pierre Colombet, le premier violon du Quatuor Ébène, ce qu'il pense de ses jeunes confrères et consœurs... En résidence à ProQuartet, à la Fondation Singer-Polignac, à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, programmé lors de la prochaine biennale des quatuors à la Philharmonie, le Quatuor Métamorphoses est bien ancré dans le présent et a l'avenir devant lui.

Loading image...
Le Quatuor Métamorphoses
© Denes Erdös

Trio Pantoum (trio avec piano)

Dans la famille des trios avec piano, il y a bien sûr l’expérimenté Trio Wanderer, il y eut le trop fugace Trio Les Esprits (Mi-Sa Yang, Victor Julien-Laferrière, Adam Laloum), il reste des ensembles bien installés dans le paysage (les Karénine, les Zadig, les Sōra, les Hélios, les Metral…), mais il se pourrait bien qu’un jeune groupe bouscule l’ordre établi : fondé en 2016, le Trio Pantoum a franchi un sacré palier cette année, se distinguant coup sur coup au Concours International de Musique de Chambre de Lyon, au Concours Trio di Trieste, au Concours Joseph Haydn de Vienne et il y a quelques jours à peine au prestigieux Concours de l’ARD de Munich. Un succès aussi unanime est rarement le fruit du hasard… Voilà qui demande vérification en concert.

Loading image...
Samy Rachid
© Theresa Pewal

Samy Rachid (direction)

Certes, c’est actuellement très tendance, du côté des instrumentistes à cordes frottées, de se rêver en chef d’orchestre – Renaud Capuçon, Mathieu Herzog, Raphaël Merlin, Victor Julien-Laferrière sont là pour le prouver, avec des fortunes diverses. Mais celui qui nous intéresse ici n’est pas là pour faire semblant : c’est un vrai bras, une vraie stature, une vraie technique que Samy Rachid a travaillés et acquis en un temps record, remportant le Deuxième Prix du Concours de Tokyo en 2021, quelques mois seulement après avoir quitté son poste de violoncelliste du Quatuor Arod. Depuis, il a fait ses débuts devant un bon nombre de grandes phalanges. Et le voici désormais, dès cette saison et pour deux ans, chef assistant d’Andris Nelsons auprès du Boston Symphony Orchestra. Il a 30 ans à peine, et déjà deux carrières plus que respectables… Vivement la suite.

Loading image...
Floriane Hasler
© Capucine de Chocqueuse

Floriane Hasler (mezzo-soprano)

Quatrième Prix du prestigieux Concours Reine Elisabeth avant l’été, Floriane Hasler a confirmé ce que son incarnation convaincante d’Orphée, dans le mythe revisité par Othman Louati et Miroirs Étendus à l’Athénée Louis-Jouvet l’hiver dernier, avait laissé penser : la jeune mezzo-soprano a tout d’une future grande, le timbre concentré et égal, l’intensité dramatique… et un certain goût pour les challenges. À l’aise dans les grands tubes lyriques et habile dans la musique ancienne, elle ne choisit pas : cette saison, on pourra l’entendre aussi bien en soliste au côté du Poème Harmonique et du Concert Spirituel que donnant la réplique à Carmen dans la reconstitution attendue de l’œuvre de Bizet à l’Opéra de Rouen. Avant de reprendre le rôle de Mercédès pour la première fois au Teatro di San Carlo de Naples. Et ce n’est sans doute qu’un début…

Adrien Fournaison (baryton-basse)

Voilà un autre chanteur aux multiples facettes : lauréat en 2021 du Prix de Lied du Concours International Nadia et Lili Boulanger, Adrien Fournaison est un baryton-basse aux phrasés évidents, doté d'une diction idéale et capable de métamorphoser son timbre selon ses incarnations. Passé par l'Atelier Lyrique Opera Fuoco puis par l'Académie Jaroussky, il finit de fourbir ses armes vocales, entrant dans sa dernière année à l'Académie Orsay-Royaumont. À ce titre, il se produira dans un récital attendu, en fin de saison au Musée d'Orsay. Et à l'image de Floriane Hasler, ce chanteur n'a rien contre la musique baroque, qu'il interprète en soliste aux côtés des meilleurs ensembles historiquement informés. Il faut écouter et voir ce croisement entre le caméléon et l'oiseau rare !

Loading image...
Héloïse Werner
© Raphaël Neal

Héloïse Werner (compositrice)

Comme Joséphine Stephenson, dont la musique a été mise sous le feu des projecteurs la saison dernière en France (avec Three Lunar Seas à l’Opéra d’Avignon), Héloïse Werner est issue de la Maîtrise de Radio France et a construit en Angleterre le début d’une carrière de soprano-compositrice-performer aussi agile qu’inventive. Paru en 2022, le premier album consacré à ses œuvres, Phrases, a été plébiscité chez nos voisins – The Sunday Times en a même fait un de ses dix albums de l’année – mais le phénomène n’a pas encore véritablement traversé la Manche. Est-ce pour la saison à venir ? Les paris sont ouverts : ses œuvres sont à l’affiche de l’excellent festival Aux Armes (à La Scala Paris) et du concert d’ouverture du prochain Festival Présences – excusez du peu.