La cour carrée de la préfecture de Cahors est pleine d’un public ardent. L’ancien palais épiscopal, qui jouxte la cathédrale, resplendit d’une récente rénovation. Un vent léger souffle, secouant la ramure du gigantesque platane qui ouvre la cour, rafraîchissant les corps après une chaude journée d’été, obligeant les instrumentistes à recourir aux pinces à linge pour tenir leur partition. Justin Taylor est un habitué du festival ClassiCahors où il vient depuis près de 8 ans ; il est accompagné ce soir de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles. Ils vont jouer Bach, sur une estrade placée de biais, non dans un souci esthétique de casser la perspective, mais pour éviter que le son ne fuie sous le grand corridor central. Tout est en place…

Justin Taylor et l'Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles à Cahors © Thibault d'Hauthuille / Bachtrack
Justin Taylor et l'Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles à Cahors
© Thibault d'Hauthuille / Bachtrack

Trois concertos pour clavecin sont au cœur de la soirée, habilement émaillés de deux suites d'un cousin de Johann Sebastian, Johann Bernhard, aux ambiances contrastées. Et c’est bien sûr le Concerto en ré mineur (BWV 1052) qui concentre la ferveur et l’admiration pour les musiciens. À juste titre : quelle qualité de chant ! Le petit ensemble (trois violons 1, trois violons 2, un continuo avec violoncelle et contrebasse, et un alto oscillant entre violon 2 et continuo) respire dans le même souffle, sonne dans le même ton, avec la même intention. Justin Taylor ornemente avec un talent fou, parvient à placer des accents surprenants, et conserve une liberté de chaque instant, particulièrement sensible dans la petite cadence du premier mouvement.

Auparavant nous avons entendu le Concerto en sol mineur (BWV 1058) et celui en fa mineur (BWV 1056). Le « Largo » de ce dernier met en relief une habileté suprême, le très perceptible décalage entre les deux mains, qui permet d’étoffer le son du clavecin. On observe une qualité constante de l’ensemble : l’indépendance des parties, qui n’impacte pas la continuité des lignes et qui facilite les changements de caractère. L’orchestre sera mis en valeur dans quelques pièces où le clavecin joue le continuo et particulièrement dans la Troisième Suite de Johann Bernhard, avec un « Air » magnifique, assez français dans le style et qu’on aurait bien entendu dans un opéra, et un « Rigaudon » enlevé avec un très beau ripieno qui met en avant l’entrain irrésistible du premier violon.

Enfin Justin Taylor nous raconte sa « déclaration d’amour au clavecin » avec le « Larghetto », issu du Concerto d’après Vivaldi BWV 972. Pris sur un tempo assez rapide, il transpire d’une sensualité qui tirerait des larmes à une pierre. C’est bien l’idée : la pièce semble être écrite pour faire bouger ceux qui ressentent encore le clavecin comme un instrument froid. Rappelés trois fois par le public enthousiaste, les musiciens salueront Telemann, retourneront à Bach, puis concluront avec un « Air des sauvages » de Rameau, que Justin Taylor avouera s'être amusé à reconstruire l'après-midi même avec ses camarades versaillais comme un concerto. Un régal d’imagination et de jeu.

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