Habituée désormais à régulièrement perturber les effectifs artistiques, la pandémie a radicalement changé la physionomie du concert prévu par l'Orchestre National du Capitole de Toulouse sur la scène du Parvis d'Ibos. Pour ce premier concert à la structure classique, deux temps étaient prévus : symphonie de Mozart et concerto de Bruch dans un premier temps, avant la Symphonie « Rhénane » de Schumann en seconde partie. À la baguette, le chef russe Maxim Emelyanychev, et au violon, son compatriote Aylen Pritchin. Le rideau rouge fermé laisse entendre une mélodie bien française à la flûte, de quoi présager un changement de programme. En effet, le Parvis annonce en début de spectacle que, du fait des contaminations, la symphonie romantique du concert ne pourra pas être interprétée. Elle est remplacée par la Pavane de Fauré, incluse entre Mozart et Bruch, et, en seconde partie, par un récital violon-piano proposé par les deux artistes russes. Par les temps qui courent, il faut savoir se montrer réactif !

Maxim Emelyanychev © Elena Belova
Maxim Emelyanychev
© Elena Belova

Le rideau s'ouvre sur une scène étirée, chacun étant masqué et à bonne distance, exception faite (naturellement) des instrumentistes à vent. Maxim Emelyanychev choisit une direction très dynamique, voire nerveuse, de la Symphonie n° 31 (dite « de Paris ») de Mozart : l'Allegro assai est très sautillant, le chef lançant les gammes-fusées aux cordes. Sans tomber dans la niaiserie, le direction de l'Andante est beaucoup plus délicate et surtout contrôlée. L'Allegro final revient à une forme de dynamique, le maestro ne ménageant pas sa gestuelle où presque tout son corps s'exprime.

S'ensuit la Pavane de Fauré qui tient compte de l'effectif disponible ; l'œuvre ne nécessite pas un grand orchestre. Donnant davantage la voix aux instruments à vent tout en restant dans la période de l’œuvre à suivre, ce choix de programmation de dernière minute est à la fois simple et pertinent pour parer aux problèmes posés par les circonstances. La direction délicate de Maxim Emelyanychev caresse les lignes mélodiques et l'exécution (notamment des flûtes et des hautbois) est parfaitement en place pour une œuvre, certes bien connue, mais quasiment pas ou peu préparée.

Aylen Pritchin rejoint enfin l'ONCT pour le Concerto pour violon et orchestre en sol mineur de Bruch. Loin de se mettre en retrait, Maxim Emelyanychev fait du concerto un véritable dialogue entre un instrument et un autre, l'orchestre, fonctionnant comme un seul homme. Le premier mouvement est d'une virtuosité subtile mais totalement contrôlée, Aylen Pritchin n'abandonnant qu'un peu les fins de phrases et n'étant jamais couvert par l'orchestre – hormis dans de rares incursions sur les cordes graves. Même leçon dans l'Adagio où il développe un peu plus les effets, avec un vibrato extrêmement rapide et des doubles cordes parfaites. En termes de dynamique, Maxim Emelyanychev n'est pas en reste, comme en témoigne l'élévation du conducteur brandi d'une main au-dessus de l'orchestre (!) durant l'Allegro energico. Triomphe dans la salle.

La seconde partie se met en place tranquillement, le temps d'un changement de plateau, et laisse Aylen Pritchin et Maxim Emelyanychev explorer leur complicité autour de Brahms dont ils ont enregistré l'intégrale des sonates l'année passée. L'ambiance change donc radicalement, avec une lumière réduite centrée sur le duo et une atmosphère nécessairement plus intimiste. La Sonate pour violon et piano n° 1 est donnée dans son intégralité. Emelyanychev reste dans la continuité de sa prestation en tant que chef avec un jeu très frénétique et des attaques incisives, alors que Pritchin adopte un style plus policé et délicat. Le duo interprète ensuite isolément le Scherzo de la Sonate F-A-E (œuvre co-écrite par trois compositeurs). La force de la ritournelle met en évidence une nouvelle fois l'enthousiasme et la synchronicité des musiciens sur tous les plans.

S'il faut sans cesse se réinventer en temps de pandémie, les artistes ne manquent pas de ressources pour ce faire, ce qui ne gâche rien à la soirée, lui apportant même ici une touche d'originalité !

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