Depuis son inauguration en novembre 2015, le Centre de musique de chambre de Paris dirigé par Jérôme Pernoo propose chaque mois deux programmes de concerts différents, au format court, joués respectivement à 20h et 21h30 tous les soirs en fin de semaine. Au mois de février, c’est le Quinzième quatuor de Beethoven qui est mis à l’honneur en début de soirée, puis le chef-d’œuvre de Schubert, le quintette La Truite, intégré à un spectacle autour du compositeur. On retrouve dans ces interprétations tout ce qui fait du Centre de musique de chambre un endroit si particulier et auquel on s’est attachés depuis le premier jour : intimité, passion, sincérité, excellence, et partage. Un vrai bonheur, décidément.
Belle opportunité : avec ses cinq mouvements aux atmosphères très diverses, le Quatuor à cordes op. 32 de Beethoven (1825), le n°15, est une œuvre idéale pour permettre au jeune Quatuor Arod de faire connaître son talent. Créé en 2013, cet ensemble composé de Jordan Victoria, Alexandre Vu, Corentin Apparailly et Samy Rachid s’est rapidement vu décerner plusieurs prix internationaux. On comprend pourquoi. Dès le début de la pièce, on sent une belle dynamique de groupe relier les instrumentistes, non pas par le regard comme c’est souvent le cas, mais plutôt par l’élan phrastique, le choix des dynamiques, les intentions expressives. La musique est pleinement vécue par chacun, bien que cette quasi absence de contact visuel entre les musiciens trouble quelque peu l’écoute de prime abord ; ne produisent-ils chacun leur partie que pour leur propre plaisir égoïste ? N’ont-ils pas une attitude légèrement trop individualiste, pour un quatuor ? Ces quelques doutes sont vite balayés. Les phases successives du quatuor n°15 sont présentées avec sensibilité, et d’un souffle commun. On perçoit peut-être une forme de manque d’assurance à certains niveaux, au travers d’une respiration assez rigide, ou d’une pression sur la corde un peu hésitante. Mais l’Adagio que le quatuor Arod nous offre est incroyablement bouleversant. A partir de ce troisième mouvement, l’intensité de leur jeu s’accentue, leurs émotions artistiques se libèrent. En particulier, le violoncelliste, Samy Rachid, dégage une expressivité très forte, vraiment émouvante, dans ses gestes, dans l’ardeur avec laquelle il aborde la partition, et dans le rôle de soutien harmonique qu’il assume presque avec solennité auprès des autres.