Dans le cadre de la saison des Grands Interprètes, William Christie et Les Arts Florissants retrouvaient les planches toulousaines à l’occasion d’une tournée fêtant les 80 ans du maestro. Pour ce faire, ils s’associent à nouveau à la soprano Sonya Yoncheva, ancienne élève de Christie via son académie du Jardin des Voix, et dont la carrière a connu ensuite un essor formidable. L’argument du programme est un voyage temporel à l’époque de Louis XVI, notamment autour du personnage de Marie-Antoinette qui s’investissait particulièrement dans l’activité musicale à la cour, et participait à nombre de concerts privés. « Toutes les femmes rêvent d’être des princesses, Marie-Antoinette rêvait d’être chanteuse », indiquera la soprano en fin de concert. Ainsi, on retrouve des airs et des compositeurs du temps de la reine, notamment la figure de Christoph Willibald Gluck, un maître important dans l’éducation musicale de Marie-Antoinette en Autriche – la souveraine le fera ensuite venir à Paris à partir de 1773.

Les Arts Florissants, William Christie et Sony Yoncheva à la Halle aux grains © Les Grands Interprètes
Les Arts Florissants, William Christie et Sony Yoncheva à la Halle aux grains
© Les Grands Interprètes

Alternant numéros instrumentaux et airs, le déroulé du concert est savamment construit, dans une parfaite articulation des tonalités et des atmosphères, comme s’il s’agissait de l’œuvre d’un seul et même compositeur. William Christie propose une direction laconique sur les morceaux instrumentaux, hochant le buste ponctuellement, travaillant la matière à pleines mains de temps en temps, se contentant parfois seulement d’écouter son ensemble rayonner dans la Halle aux grains.

L’orchestre sur instruments d’époque réalise en effet un concert quasi parfait. L’entrée en matière propose des cordes et des cuivres rugueux, enthousiastes, avant d’aller vers des ambiances plus délicates. Les morceaux accompagnant la chanteuse sont plus contrôlés, et l’articulation avec l’ensemble soignée. Ce dernier est toujours dans la bonne nuance, laissant Sonya Yoncheva démontrer toute l’étendue de ses capacités vocales. L’articulation du français est parfaite, les traits virtuoses puissants et suaves. La soprano peine uniquement dans les passages les plus graves de l’air « Ecco il punto » de La clemenza di Tito. En revanche, elle propose un jeu scénique très limité, les yeux très souvent dans les partitions posées sur un pupitre.

Le point qui empêche un sans-faute est le manque d’émotion générale, de proximité qui n’arrive pas à s’installer durant le concert. En cause la demande particulière faite au public, avant le début de la soirée, de ne pas applaudir entre les morceaux pour préserver la fluidité du programme, jetant un froid persistant pendant la première partie où la soprano reste statique, bras croisés tout du long. La connexion entre le public et les artistes s’en trouve très limitée…

Changement de robe et d’attitude, un peu plus ouverte, en deuxième partie notamment lors d’une petite saynète où Sonya Yoncheva joue Marie-Antoinette et William Christie Gluck, provoquant quelques rires. Dans les bis, elle fera danser le maestro qui souvent s’arrête pour l’écouter. Mais parfois les deux artistes se retrouvent dos au public pour écouter l’orchestre, devenant eux-mêmes spectateurs. Malgré la tendresse et la complicité évidente entre eux deux, l’un soucieux de transmettre, l’autre témoignant de sa reconnaissance, le public restera sur un manque.

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