En ce début de mois de décembre, les murs de la Principauté monégasque résonnent aux couleurs des génies romantiques. Entre Verdi, Weber, Schumann, Rachmaninov ou encore Tchaïkovski, la programmation magnifie aussi bien les épanchements lyriques que les déclarations patriotiques. Afin de ravir les oreilles du public du jour, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo a convié le chef Stanislav Kochanovsky, accompagné du pianiste polonais Rafał Blechacz. Un moment tout en communion, auréolé d’un climat dramatique assumé.

Rafał Blechacz, Stanislav Kochanovsky et l'OPMC
© Emma Dantec / Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

18h : la salle comble accueille les premières notes de l’ouverture du Freischütz de Weber, véritable « bande annonce » – comme aimait à l’appeler le compositeur – de l’opéra qu’elle résume. On est tout d’abord agréablement surpris par la légèreté du commencement : l’économie des longueurs d’archet reflète un appréciable caractère intimiste. Peu à peu opère une grandissante fusion des timbres, préparant l’ampleur requise pour le finale. Outre la subtilité des dynamiques, le registre aigu des violons, tout comme le chaleureux timbre du pupitre de clarinettes ressortent tout particulièrement de l’ensemble. La pièce se termine avec panache dans la sonnerie d’accords éclatants.

Place ensuite au Concerto pour piano en la mineur de Robert Schumann, unique pièce du genre achevée par le compositeur. Rafał Blechacz apparaît alors sur scène, visiblement enthousiaste à l’idée de livrer au public sa version de l’ouvrage. On apprécie dès le départ l’entrée franche dans le ton principal, sans tergiversations sur la figure bariolée introductive. S’ensuit une présentation éminemment romantique des différentes lignes mélodiques, portées par une emphase ornementale et des ralentis ponctuant systématiquement le discours. Malgré un choix assumé pour quelques épanchements virtuoses, le soliste ne domine guère l’orchestre : il l’écoute au contraire, et se meut au gré des inflexions mélodiques des cordes, qu’il maîtrise sans recours à la partition. Tantôt confidentiels, tantôt affirmés, de fins jeux d’écho s’instaurent entre l’ensemble et le piano. Au cœur du deuxième mouvement, le pianiste accroît davantage les effets rhétoriques, n’hésitant pas à user d’un rubato marqué. On souligne l’usage dramatique des silences par le tutti, vecteur d’un sentiment de suspension, tendre et expressif, à l’image de l’écriture de Schumann. Mention spéciale aux pupitres de violoncelles et de cors, faisant preuve d’une grande éloquence dans la gestion des différents degrés de piano.

Le concert s’achève sur les inquiétantes Danses symphoniques de Rachmaninov, composées en plein cœur d’une Seconde Guerre Mondiale à l’issue encore incertaine. Tout l’enjeu réside alors dans le rendu du climat interrogatif et angoissant régissant la partition. La prestation s’ouvre sur une captivante exposition des différents timbres de la famille des bois. Les clarinettes se montrent énergiques, tandis que le saxophone prône une articulation détachée. Les dialogues sont savamment conduits par Stanislav Kochanovsky qui abandonne sa baguette pour exploiter l’entière expressivité de ses mains. La fragilité des motifs énoncés évoque un moment éthéré, les mélodies menaçant à chaque instant de disparaître ; le mystère s’incarne alors dans le presque rien. Si les temps de la danse apparaissent parfois trop appuyés, les passages lyriques sont engagés et profonds. On regrette également le manque d’audibilité du piano, qui dans son rôle percussif peine à percer la masse orchestrale. Le tout conclut vers un fracas final terrifiant, habilement amené par une vigoureuse partie de percussions. À entendre les applaudissements, les artistes du jour ont su brillamment rendre les multiples facettes d’un romantisme expressif en toutes circonstances.

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