Le ballet comique Don Quichotte chez la Duchesse, écrit en 1743, est le deuxième ouvrage scénique composé par Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755) et le fruit de sa collaboration avec le librettiste Charles-Simon Favart (1710-1792). Cette production de l’Opéra-Théâtre de Metz, du Concert Spirituel d’Hervé Niquet et de Shirley et Dino pour la mise en scène retranscrit parfaitement cette œuvre parodique et comique, fidèle à l’esprit du Carnaval de 1743 pour lequel elle avait été créée.
Ouvrage atypique, Don Quichotte chez la Duchesse s’inscrit dans la forme particulière de l’opéra-ballet où chaque acte ou entrée développe son intrigue propre : ainsi au premier acte Don Quichotte croit sauver Altisidore des griffes d’un monstre, au deuxième il libère les victimes du magicien Montésinos et au troisième il est acclamé par la cour du Japon pour ses exploits. La fidélité inébranlable de Don Quichotte pour Dulcinée constitue le fil directeur de cette œuvre. Pièce parodique, dont les personnages restent au niveau du type – le naïf, le poltron… - ce ballet comique s’inscrit en outre contre la tradition du ballet héroïque qui mettait en valeur les personnages nobles et élevés.
Construite sur le principe d’une double mise en abyme – les personnages jouent pour la Duchesse, elle-même déjà sur scène, les épisodes du roman Don Quichotte de Cervantès -, cette œuvre amène également à s’interroger sur la différence – ténue – entre illusion et réalité, rappelant ainsi La Vie est un songe (1635) de Pedro Calderón de la Barca.
Dès l’entrée en scène d’Hervé Niquet, affublé de l’armure de Don Quichotte, le trouble apparaît. Le chef d’orchestre nous rappelle que cet ouvrage fut la première œuvre jouée par le Concert Spirituel il y a 27 ans. Il nous raconte le début de l’intrigue - en comparant la Duchesse à Josiane Balasko et Nadine Morano – avant de se voir interrompre par le Duc (Gilles Benizio alias Dino) qui lui réclame l’armure. Ce va-et-vient entre passé et présent est récurrent dans l’interprétation donnée de cette œuvre. L'interlude musical interprété par Dino (air volontairement faux) et Hervé Niquet (sifflet compris), le court spectacle de castagnettes et de danse espagnole avec Corinne Benizio (alias Shirley) et Hervé Niquet, permettent aux spectateurs de patienter pendant les changements de décors entre les actes.