A l’occasion du 80éme anniversaire d’Eliahu Inbal, la Philharmonie propose un concert-anniversaire dirigé par le maestro lui-même, comprenant la création française de la pièce pour flûte et orchestre Flûte en suite du compositeur et clarinettiste allemand Jörg Widmann, avec en soliste Emmanuel Pahud, suivie de l’ultime Symphonie n°9 d’Anton Bruckner .
La pièce Flûte en suite rompt avec l’image par trop cérébrale qui est trop souvent celle de la création contemporaine. Construite en une série de danses dans l’esprit de la musique baroque, cette musique réussit une étonnante synthèse de deux époques, puisant dans le baroque l’harmonie, la construction et la luxuriance, sur lesquelles vient se greffer une écriture résolument moderne. Les clusters et les effets d’éclatement mettant en jeu tous les ressorts de l’orchestre convoquent une connaissance et une maîtrise exemplaires des possibilités orchestrales.
L’Allemande initiale s’ouvre sur la flûte solo d’Emmanuel Pahud, bientôt rejoint par trois flûtes de l’orchestre. Les sons des flûtes se mêlent, s’accélèrent et deviennent stridents, jusqu’à l’entrée grésillante du cor. Stridence toujours dans la Sarabande et le premier Choral, où l’agression anachronique des trompettes bouchées aboutit à la Courante, nerf de la suite, dans laquelle l’expression très libre et endiablée est typiquement celle de la musique du baroque italien. La flûte, nourrie par le clavecin, semble improviser des traits hautains et virevoltants, tandis que tout l’orchestre se mobilise par petites touches pulvérisées sur la partition. Le deuxième Choral peut évoquer Alfred Schnittke par des clusters tutti et barbares aux sonorités surprenantes et une écriture qui s’affranchit des barrières stylistiques. Emannuel Pahud déroule une longue mélopée ininterrompue dans la Barcarole, puis chante dans sa flûte lors de la Cadenza. Avec un son plein et fougueux, le flûtiste sait s’adapter à merveille à l’esprit de chacune des danses. La dernière, Badinerie surprend quant à elle tout le public en reprenant la Badinerie de Jean-Sébastien Bach de la Suite orchestrale n°2, avec bien entendu des écarts qui font tout l’intérêt de l’hommage. Mais cette Badinerie apparaît comme une grosse farce, et en terminant la suite elle tend à la colorer toute entière de ce pied de nez, ce qui pourrait dénaturer la vision générale de l’œuvre après l’écoute. Mais quand Eliahu Inbal choisit de bisser la badinerie, ou comprend bien qu’il est là avant tout pour s’amuser.