L’année 2019 s’ouvre sur une note contemporaine à l’Opéra Garnier avec un triptyque de chorégraphies signées par Sidi Larbi Cherkaoui, Marco Goecke et Pontus Lidberg. Loin d’être marquante sur le plan chorégraphique, la soirée présente plutôt un intérêt au plan musical avec notamment l’interprétation des Noces de Stravinsky par les Chœurs de l’Ensemble Aedes, sous la double direction musicale de Mathieu Romano (chœur) et Vello Pähn (orchestre).
Faun, créé en 2009 par Sidi Larbi Cherkaoui, revisite le célèbre Après-midi d’un faune de Nijinski, allégorie de l’éveil du désir entre l’homme et la femme. Chez Nijinski, la figure mythologique du faune laisse apparaître une certaine animalité, une tension sexuelle exprimée par une gestuelle à la fois brusque et stylisée. La danse chez Cherkaoui est aux antipodes : le faune et la nymphe se coulent dans un mouvement fluide magnifiquement dansé par Marc Moreau et Juliette Hilaire, très éloigné des assauts frénétiques du faune de Nijinski. De façon étonnante, le faune de Cherkaoui tire davantage son inspiration de la mythologie indienne que de la mythologie grecque. Loin du faune malveillant que chorégraphiait Nijinski, le faune et la nymphe de Cherkaoui sont inexpressifs. Des passages de musique indienne se mêlent à la partition du Prélude de Debussy, tandis que les corps adoptent des postures qui rappellent de façon éloquente la danse indienne : personnages à plusieurs bras, corps ondulants et cambrés dans des positions d’extrême souplesse, qui s’aimantent et se repoussent sans cesse. Malgré cette touche indienne, le Faun de Cherkaoui n’est pas particulièrement captivant et présente bien moins d’aspérités que son prédécesseur déjà centenaire. On notera tout de même que cette réinterprétation du ballet est plus égalitaire : l’homme n’est pas représenté dans l’imposition de son désir à une femelle effarouchée mais dans un rapport parfaitement symétrique. Est-ce la leçon à retenir ?