Se produisant très régulièrement au Grand Théâtre de Provence, auquel elle est artiste associée, Laurence Equilbey est de passage au Festival de Pâques. Elle y fait étape avec Insula Orchestra et le chœur accentus, les deux formations créées par la cheffe respectivement en 2012 et 1991. Le concert du soir est consacré exclusivement à Georg Friedrich Haendel, avec des extraits de Rodelinda et Ariodante en première partie, défendus par trois solistes de réputation mondiale, puis le Dixit Dominus après l’entracte.

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Insula Orchestra, accentus et Laurence Equilbey
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

Après l’ouverture de Rodelinda, c’est Lawrence Zazzo qui entame les débats avec l’air très fleuri « Vivi, tiranno ! » chanté par Bertarido au troisième acte, quasiment à la conclusion de l’ouvrage. Si le contre-ténor américain montre du caractère dans ses attaques, la mécanique de vocalisation est malheureusement passablement grippée ce soir, avec plusieurs notes escamotées ou légèrement à côté. On le préfère dans l’extrait de l’acte I « Pompe vane di morte », doux air du même personnage qui lit d’abord son nom gravé sur sa tombe, puis colore les mots de tristesse en enflant certaines notes avec goût.

En miroir de l’air précédent, la soprano Francesca Aspromonte interprète « Ombre, piante, urne funeste ! », air au cours duquel Rodelinda pleure la vraie-fausse mort de son mari Bertarido. On apprécie sa jolie pulpe vocale, alliée à une appréciable musicalité, quelques sons fixes renforçant avec justesse la douleur de la reine Rodelinda. Plus tard, « Volate, amori » chanté joyeusement par Ginevra dans Ariodante déroule ses traits d’agilité, maîtrisés mais sans grande marge. La soprano italienne participe aussi à de courts duos ou ensembles avec ses partenaires, les trois solistes jouant sur scène, assez légèrement toutefois, les situations des livrets des deux opéras.

Chiara Skerath © Festival de Pâques / Caroline Doutre
Chiara Skerath
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

C’est toutefois Chiara Skerath qui montre la plus éclatante forme vocale du plateau, et à qui – heureux hasard ! – sont destinés les morceaux de choix du programme. Dans le très connu « Scherza infida » d’abord, la soprano paraît en costume et nœud papillon pour nous faire partager la souffrance d’Ariodante. La voix sonne de manière particulièrement homogène sur l’étendue de la tessiture, les longues phrases musicales sont conduites sur le souffle et les variations amenées dans la reprise relèvent d’une belle inspiration. Mais c’est l’air plus jubilatoire du dernier acte « Dopo notte, atra e funesta » qui constitue une sorte de feu d’artifice vocal, d’une virtuosité dont semble s’amuser l’artiste, jouant sur les nuances piano-forte, intégrant là encore des variations enthousiasmantes dans les nombreuses reprises et terminant sur un passage a cappella qui confirme la fine musicienne.

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Insula Orchestra, accentus, Laurence Equilbey et les solistes saluent le public
© Festival de Pâques / Caroline Doutre

Le Dixit Dominus convoque ensuite le chœur accentus tout en maintenant la présence des trois solistes, rehaussant ainsi la qualité de l’interprétation, les interventions solistes étant souvent attribuées à des membres choisis parmi les choristes. Préparé par Christophe Grapperon, le chœur accentus est très clair d’articulation, chaque pupitre garde une excellente cohésion et le tout forme un son expressif et élégant, dans une dynamique jamais prise en défaut. On admire en particulier l’excellente coordination du très vif numéro final « Gloria Patri et Filio » et sa fugue conclusive sur « Amen ». Tout au long du concert, la proximité et la complicité entre accentus et Insula Orchestra sont palpables sous la direction passionnée de Laurence Equilbey, les deux formations jouant souvent ensemble et sachant ménager un subtil et agréable équilibre entre musique et chant.

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