Clap de fin pour l’Académie d’été de l’Orchestre de Paris : ce nouveau format, inauguré par l’orchestre en 2022, aura permis à 27 jeunes musiciens de se former, pendant six jours de travail intensif, au métier de musicien d’orchestre. Si quatre d’entre eux, sélectionnés parmi les participants au stage d’été, continueront à travailler avec l’orchestre en 2023 et auront la chance de participer à une vingtaine de concerts, la restitution du 4 septembre marque la fin de l’aventure pour la majorité des académiciens. Et quelle conclusion ! Malgré un public clairsemé, les stagiaires et leurs tuteurs ont offert aux spectateurs de la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris un moment de partage jubilatoire, grâce notamment à la baguette toujours galvanisante de Klaus Mäkelä.
Le concert s’ouvre toutefois avec, à la direction, Sora Elisabeth Lee, cheffe assistante de l’Orchestre de Paris, qui propose un Pelléas et Mélisande de Fauré vibrant et habité. Sa baguette souple et généreuse encourage les cordes à faire preuve de chaleur dans le Prélude, tout en conservant une précision impeccable qui lui permet, dans un tempo général plutôt lent, de ménager des accelerandos ou des moments plus suspendus. Clarinette, flûte et hautbois solo, tous trois académiciens, font preuve d’une grande clarté et d’une certaine élégance dans leurs solos (dans la Fileuse notamment), même s’ils manquent parfois un peu d’expressivité. Les deux derniers extraits sont les plus réussis : dans la Sicilienne, plutôt qu’une danse, Sora Elisabeth Lee choisit de voir une douce complainte, la mélancolie des cordes confinant parfois au sentimentalisme – mais c’est si touchant… Plus subtile, La Mort de Mélisande offre d’intéressants contrastes entre lamentations des cordes et solennité des vents. Si la justesse n’est pas toujours parfaite, ces efforts pour souligner le relief de l'œuvre, qui se traduisent aussi par des nuances extrêmes réussies, suffisent à charmer le public.
Les extraits du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn, arrangés pour vents et contrebasses (et sans chef), présentent une tout autre facette du travail des académiciens, ici concentrés sur la finesse des attaques et de l’articulation. Dès le Chœur des elfes, ils parviennent à faire preuve d’une belle espièglerie, avec des consonnes incisives et des pianissimos surprenants – même s’ils manquent, à l’inverse, un peu d’explosivité dans les passages plus généreux. Malgré quelques hésitations de justesse, la Marche nuptiale est justement l’occasion de mieux construire tensions et montées en puissance, menées en particulier par les deux cornistes enthousiastes. Mais ce sont les deux derniers extraits qui sont indéniablement les plus impressionnants : particulièrement exigeants pour les bassons (Scherzo) et les clarinettes (Finale), ils exigent des musiciens de faire preuve de virtuosité et de présence scénique autant que d’une parfaite synchronisation. Pari tenu : les passages de témoin sont fluides, les appuis homogènes, et même si certains ont tendance à presser, l’ensemble dégage une impression d’impatience enthousiasmante !
La réussite la plus éclatante reste cependant la Symphonie n° 3 de Mendelssohn. Rejoints par Klaus Mäkelä, les jeunes musiciens sont poussés dans leurs retranchements par le chef, qui exige d’eux un jeu polymorphe et une attention constante. Après une introduction presque âpre, avec des aplats d’alto mystérieux, dépourvus de vibrato, le thème des violons semble d’autant plus exalté. L’Allegro qui suit commence dans un pianissimo merveilleux, incroyablement touchant, qui semble tout droit sorti des brumes écossaises ; Mäkelä dirige à peine, laissant les instrumentistes profiter de ce moment d’intimité chambriste. Ce n’est que pour mieux préparer les crescendos fulgurants et les fortissimos bruts qui marqueront la suite du mouvement : en donnant toute leur place aux cuivres et aux timbales, le chef offre un éventail de contrastes encore plus exacerbés. Même recherche dans le Scherzo : après un solo de clarinette joyeux et espiègle, bien que manquant encore un peu de verve, les cordes se font percussives, et l’orchestre tout entier semble rechercher les ruptures de nuances les plus claires possibles.
Le finale est plus monolithique, et un peu moins réussi : dans une nuance globale très intense, le relief vient essentiellement des appuis et de progressions dynamiques fulgurantes mais un peu répétitives. Le clou du spectacle aura bel et bien été l’Adagio cantabile : ses thèmes chantés par le très beau pupitre de violoncelles, ou par des violons particulièrement homogènes, explorent toutes les facettes de la tendresse, de la douceur à l’embrasement. Une palette de couleurs merveilleuses, que les académiciens peuvent être fiers d’avoir explorée en compagnie de l’Orchestre de Paris.