Spécialistes de la musique ancienne, les Musiciens du Louvre promettaient une Passion selon Saint Jean des plus intéressantes à la Halle aux Grains. Toujours dans un esprit de recherche musicologique, Marc Minkowski, direction a la mano, prenait le parti de ne pas convoquer de chœur pour les chorals, mais de faire chanter ceux-ci par les solistes, dont Ditte Andersen et Stéphane Degout, souffrants, ont remplacés presque au pied levé par Laure Barras et Edwart Grint. L’octuor était donc mobilisé tout du long, alternant récitatifs, parties individuelles et sections d'ensemble.
Le début du concert est marqué par une certaine fébrilité. L’ouverture instrumentale voit le flot des cordes totalement noyé au seul profit des vents et des basses et l’octuor émerge difficilement sur le « Herr, unser Herrscher ». Les choses s’améliorent à partir du « O grosse Lieb » même si, dans cette première partie sur l’arrestation, le contrepoint reste bien souvent inaudible. D’aucuns incrimineront l’effectif, d’autres la salle. On y verra surtout une inadéquation de l’un pour l’autre. Les points d’orgue sont tous voulus très sec par le maestro. Il va les rendre de plus en plus longs au fur et à mesure de la soirée. Effet dramatique volontaire ou acclimatation à la sonorité de la Halle ? Certainement le second cas, car tous les numéros lents livrent un rendu auditif bien meilleur que les tutti empressés, tout comme les récitatifs en effectif réduit. Appogiatures, commentaires de la foule et narration sont les plus soignés. Le solo d’Owen Willets (contre-ténor / alto) est sans doute le plus clair, accompagné par les deux lancinants hautbois, debout pour l’occasion. Sa collègue de pupitre Alessandra Visentin ne démérite pas non plus. Le duo de sopranes (Laure Barras et Hanna Husáhr) cherche un effet d’écho en s’éloignant du plateau dans les commentaires de la foule lors de l’interrogatoire. Mais l’octuor en tutti reste trop hétérogène pour traduire la véritable nature des chorals.
Plus riche, la seconde partie va donner plus d’amplitude aux personnages et aux solistes de l’orchestre notamment aux violes d’amour dont le duo est particulièrement soigné. Les récitatifs et les arias individuels restent les plus intelligibles, le cumul du clavecin, de l’orgue, des violoncelles et des deux basses ayant encore tendance à masquer le reste de l’orchestre sur les tutti. Jusqu’ici utilisant d'un spectre dynamique très restreint, Marc Minkowski s'aventure dans les forte sur le « Wir haben ein Gesetz », dont le sujet de fugue ne sera souvent audible que sur les deux seules premières entrées. Il faudra attendre la toute fin de la pièce et l’ensevelissement pour obtenir une puissance importante qu’il fait se déchaîner sur le « Ruht wohl, ihr heiligen Gebeine ».
Un concert qui montre l’adaptation tatonnante d’un orchestre à la salle, des individualités irréprochables, mais un collectif plus difficile à atteindre avec un tel parti pris. À l’applaudimètre, Fabio Trümpy sera le plus justement récompensé, tout comme Edward Grint (Jésus) et York Felix Speer (Pierre). On attendait forcément beaucoup d’une telle formation, peut-être trop au regard du résultat final.