Au cœur du village de Thiré en pays vendéen, un centre artistique international, lieu de résidence et de formation aux arts baroques présentait à partir du 21 août les fruits de la dixième édition du « Jardin des Voix » consacrée à l’opéra Partenope de Haendel. À la faveur d’un jeu de pistes très baroque, le public déambulait ce samedi dans les somptueux jardins de William Christie, découvrant au détour de quelque pinède ou cachée dans un bois une série de mini concerts proposés par les membres des Arts Florissants. Cette union magique de la nature et de la musique s’étendra en fin de journée jusqu’au spectaculaire « miroir d’eau » où quelques cygnes jettent un œil indifférent à l’orchestre installé au milieu de leur domaine.

Partenope dans les jardins de William Christie
© Jay Qin

Pour l’occasion, une amplification très discrète vient au secours du continuo – les voix livrées à l’espace de la nuit se passeront de renfort. Sur une scène à la profondeur limitée, on a réduit les accessoires à un minimum : quelques dés géants évoquent tour à tour les facéties du destin et des projectiles guerriers. La légèreté du dispositif convient tout à fait au sujet mythologique traité sur un ton badin par le poète romain Silvio Stampiglia et pour lequel Sophie Daneman a imaginé une mise en espace intelligente et expressive.

Alors que trois prétendants courtisent la sirène Parthénope fondatrice de Naples, l’un deux, Arsace, est poursuivi par une fiancée éconduite. Après quelques quiproquos, les amoureux se réconcilient et Parthénope choisit le doux Armindo comme époux. Les six lauréats du Jardin des Voix brillent sur le plan musical et sont déjà très à l’aise sur un plateau, le niveau artistique de la jeune équipe est à l’évidence très élevé. Dans le rôle de la belle sirène, la soprano Ana Vieira Leite possède tout l’abattage nécessaire aux vocalises du « Sei mia gioia » et le riche médium illumine les charmes galants du « Qual farfalletta ».

Partenope dans les jardins de William Christie
© Julien Gazeau

Projection exceptionnelle et beau tempérament également chez la contralto Helen Charlston dont le timbre homogène et d’une saisissante profondeur apporte une belle autorité au périlleux « Un’altra volta ancor ». Face à ces héroïnes très persuasives, le quatuor masculin ne manque pas d’arguments. Le jeune ténor australien Jacob Lawrence brûle les planches en sacrifiant parfois la rigueur de la ligne, à l’opposé la basse franco-polonaise Matthieu Walendzik privilégie la précision des vocalises en restant un peu sur la réserve, mais quelle musicalité chez ces personnalités d’exception dans des conditions acoustiques extrêmes ! Possédant des instruments on ne peut plus différents, les contre-ténors Hugh Cutting et Alberto Miguélez Rouco fascinent par leur aplomb et une technique très sûre. Pianissimos sublimes et goût ornemental poussé chez le premier, superbe projection et parfaite gestion du souffle pour le second révèlent un degré de préparation étendu qui permet de belles prises de risque.

Partenope dans les jardins de William Christie
© Julien Gazeau

L’orchestre des Arts Florissants sait comme à l’habitude répondre au geste précis et musical de son chef, prestation d’autant plus méritoire pour des cordes en boyaux soumises pendant deux heures à l’humidité et à la fraîcheur de la nuit. En ne donnant que les éléments essentiels du discours musical, le chef américain laisse ses musiciens s’exprimer au mieux depuis un pupitre de basses formidablement homogène jusqu’au violon raffiné d’Emmanuel Resche, dont le solo dans le « Sento amor » a fait retenir le souffle d’une assistance ensorcelée. La magie Christie opère toujours.


Le voyage de Philippe a été pris en charge par Les Arts Florissants.

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