Pour l’ultime événement de leur saison, Les Arts Renaissants retrouvaient l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines de Toulouse pour un programme construit autour d’une idée historique, celle des « destins de reines ». Par cet angle diachronique, Patricia Petibon et l'Ensemble Amarillis ont sélectionné des œuvres variées (de Purcell, Haendel et Escaich), rendant hommage ou prenant comme sujet des femmes célèbres : Agrippine la Jeune, Aliénor d’Aquitaine et Marie II Stuart. Petit clin d’œil, le spectateur attentif sera passé, avant d’entrer, devant la statue d’une autre reine, Anne de Kiev (1024-1076) !

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Patricia Petibon et l'Ensemble Amarillis
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

L’introduction instrumentale se compose d’extraits de trois musiques de scène de Purcell : The Fairy Queen, Timon of Athens et King Arthur. L’ensemble sonne avec équilibre et soigne particulièrement les figuralismes : ainsi le chant d’oiseau de la flûte d’Héloïse Gaillard répond aux bruissements d’ailes des percussions de Yüla Slipovich, qui déploie d’ailleurs un attirail conséquent d’instruments accordés ou bruiteurs. La première intervention de Patricia Petibon anticipe ensuite grandement l’œuvre à suivre de Thierry Escaich. Dans le ground « Crown the altar » extrait de l'Ode pour l'anniversaire de la reine Mary (toujours Purcell), la chanteuse propose une interprétation vocale digne de Berg ou de Berio. La voix est volontairement brisée, allant de soupirs piano à des vocalises fortes, donnant du relief à une forme pourtant répétitive et profitant pleinement de l’acoustique de la salle. Le terrain contemporain est ainsi préparé, quitte à sacrifier l’intelligibilité de la langue de Shakespeare.

Après un interlude, l’œuvre de Thierry Escaich se place dans le même cadre instrumental et vocal, avec le même effectif. Créée en 2023 à l’Abbaye royale de Fontevraud, la cantate Tombeau pour Aliénor est composée d’onze numéros. La pièce semble faire un tour d’horizon des modes d’écriture contemporains : dans un langage atonal poli, on retrouve ici une voix déconstruite, ailleurs des accents jazz, parfois des rythmes populaires. Seule la « Chaconne », citant explicitement celle de Purcell (Z. 730), détonne finalement dans ce mélange. Le texte d’Olivier Py émerge ou reste obscur selon les techniques déployées : lecture, sprechgesang, vocalises. Tout semble donc tourné vers la performance et la technicité, avec un esprit baroque mais un rendu en demi-teinte, ce avant l’entracte.

Patricia Petibon © Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants
Patricia Petibon
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

La deuxième partie est consacrée à Georg Friedrich Haendel et opère cette fois-ci un retour en arrière : l’italien des différents extraits est intelligible et l’expression vocale retrouve un lyrisme plus habituel. Patricia Petibon joue encore habilement sur les nuances, réduisant la palette vocale au profit de quelques gestes et danses humoristiques. Daniel de Morais, qui change d’instrument plus vite que son ombre (guitare, luth, théorbe), Eleanor Lewis (viole, violoncelle) et Marouan Mankar Bennis (clavecin) livrent un continuo rythmé mais qui ne néglige pas non plus ornements et figuralismes. Alice Piérot (violon) et Liv Heym (violon, alto) sont parfaites en duo, d’une justesse minutieuse y compris en unissons. On perd quand même de vue l’idée des « destins de reines » dans le séquençage (les extraits évoquant Agrippine alternant avec concerto et sonate).

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Patricia Petibon et l'Ensemble Amarillis
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

L’Ensemble Amarillis et Patricia Petibon auront toutefois démontré avec justesse, s’il en était besoin, les capacités de métamorphose et d’adaptabilité de la musique ancienne qui forgent son charme. Après un bis rapide (un « Chant des marins » de Marin Marais, où Patricia Petibon frappe du pied de manière très flamencesque), Héloïse Gaillard glisse le mot final et salue Toulouse, région favorable à la culture, « contrairement aux Pays de la Loire… Tenez bon ! » À bon entendeur !

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