Invité par l’Insula Orchestra, Le Consort offrait ce 12 avril un concert presque entièrement consacré à Haendel, reflet partiel d’un disque paru en 2020. Conduit par le claveciniste Justin Taylor et le violoniste Théotime Langlois de Swarte, l’ensemble ouvre le feu avec une ouverture de Rinaldo à la palette sonore ambitieuse. Dans le Largo dont le hautboïste Gabriel Pidoux amplifie un phrasé généreux et le fugato virtuose où les archets rivalisent de légèreté et de précision, la qualité de la mise en place et la variété du discours forcent l’admiration. Dans le Concerto pour violon en si bémol du cher Saxon, Théotime Langlois de Swarte n’est pas avare d’éblouissantes cadences et dispense un éventail infini de nuances. On admire le travail approfondi des cordes dont les pianissimos impalpables, les couleurs suaves et l’intonation expressive laissent loin derrière la plupart des formations spécialisées – hormis l’Accademia Bizantina, réputée elle aussi pour son intense travail en amont des concerts.

Justin Taylor, Sophie de Bardonnèche, Théotime Langlois de Swarte, Hanna Salzenstein
© Julien Benhamou

L’accompagnement des airs, d’un absolu raffinement, éclaire l’écriture de « L’aure che spira » et prolonge la plainte du « Cara sposa ». En remplacement d’une suite et d’une passacaille, les musiciens choisiront d’interpréter (par cœur) la Follia pour deux violons et basse continue de Vivaldi, occasion d’entendre le jeu remarquable de Sophie de Bardonnèche au violon, la virtuosité et l’aplomb extraordinaire de Hanna Salzenstein au violoncelle, et l’accompagnement toujours aussi élégant et astucieux de Justin Taylor au clavecin.

Soutenue par cet écrin de grande classe, la mezzo Eva Zaïcik possède un timbre de rêve et d’une égalité parfaite, une technique éblouissante et une aptitude à la vocalisation admirable. La richesse harmonique des pianissimos les plus ténus remplit une salle silencieuse dans les reprises des airs les plus élégiaques mais dont la magie résiste mal à la répétition systématique. D’une manière générale, la chanteuse maîtrise à la perfection tous les paramètres d’un air (technique, couleur, type d’énergie), suggère des ornementations de bon aloi et restitue une synthèse de tous ces paramètres avec un sang-froid déconcertant, le tout dans un cadre expressif très contrôlé. Pourtant l’aspect un peu carré de la présentation rythmique et l’insistance à masquer le détail du texte derrière la beauté sonore tendent à uniformiser les caractères. Dans l’air de folie de Déjanire « Where shall I fly » proposé en bis, la folie est bien commune et la divagation un peu sage, et l’« Ombra mai fu » demeure empreint d’une componction convenue. Véritable star de la soirée, Le Consort a volé la vedette à un chanteuse dont le somptueux instrument aura manqué d’audace.

****1