Pour clôturer leur 40e saison de concerts, l'association Les Arts Renaissants offraient un programme très attendu avec Le Concert des Nations, annoncé comme un « retour aux sources, avec les pièces emblématiques du film Tous les matins du monde d’Alain Corneau ». L’adaptation cinématographique en 1991 du roman de Pascal Quignard représente en effet un moment clef de l’histoire du renouveau de la pratique de la musique ancienne en France et en Europe. Deux piliers de cette création étaient réunis à l’occasion de cette soirée spéciale : Pascal Quignard et Jordi Savall qui allaient alterner lecture et musique. Le concert, initialement prévu à l’auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, a d’ailleurs été finalement déplacé dans le plus confortable Théâtre de la Cité, pour accueillir un public conquis d’avance et plus nombreux encore.

Le Concert des Nations et Pascal Quignard à Toulouse
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

Après une préface au micro de Claude Scavazza et Jean-Marc Andrieu, l’ensemble s’installe pour alterner pièces musicales et lectures du roman de Pascal Quignard par lui-même. La première lecture sera une exception, rappelant la rencontre de l’écrivain avec Jordi Savall, restituant avec humour leurs premières séances de travail. Les autres seront toutes des extraits portant sur la vie des compositeurs, souvent sur leur jeunesse ou leur fin de vie, rendant l'atmosphère un peu pesante – le sujet semble faire ainsi écho à l'histoire du projet lui-même et à celle de l’ensemble dont certains membres ont disparu. Parfois les lectures sembleront ne pas correspondre au programme prévu, créant plusieurs moments de confusion que les musiciens et le public accueilleront de bon cœur, notamment quand l’un des extraits évoquera les problèmes de mémoire liés à l’âge !

Pascal Quignard
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

Les débuts du concert à proprement parler avec Jean-Baptiste Lully et sa suite bien connue du Bourgeois gentilhomme sont quant à eux équilibrés, ne laissant pas trop transparaître les individualités malgré un effectif réduit, et offrent déjà un beau mélange des timbres entre violon et flûte. Les pièces de Monsieur de Saint-Colombe (Les Pleurs, Le Retour) et de Marin Maris (pièces de viole issues de divers livres) laissent davantage de place aux affects et aux violes de Jordi Savall et Philippe Pierlot. Un peu de confusion s’installe ensuite, les faux départs et malentendus entre les musiciens ne contribuant pas à la clarté du programme... Jordi Savall finira par annoncer lui-même les numéros pour y remédier et le retour à Monsieur de Sainte-Colombe (Les Regrets) puis François Couperin (Les Concerts royaux) amènera un peu de stabilité.

Le son de Jordi Savall est extrêmement stable, toujours plein et chaud, y compris en pizzicati et en jeu col legno battuto. La viole de Philippe Pierlot est au contraire plus rauque et accrocheuse, ce qui permet de bien les différencier et de densifier la palette sonore, notamment sur le duo. Pierre Hantaï au clavecin livre une prestation pleine de dextérité et d'humour sur les rares petits éléments mélodiques qui lui sont offerts. Spécialiste de la guitare baroque et du théorbe, Xavier Diaz-Latorre se fait un plus discret accompagnateur alors que Manfredo Kraemer au violon offre sans doute le jeu le plus expressif, bien secondé par Charles Zebley.

Jordi Savall
© Monique Boutolleau / Les Arts Renaissants

L’ensemble offre en bis deux pièces plus dansantes et humoristiques : le Tambourin de Rameau adapté du clavecin et une Bourrée d’Avignon, créée – explique Savall – en l’honneur de la naissance du futur Louis XIII et compilée avec d’autres airs par Philidor l’Aîné. Si les deux pièces suivent un schéma dionysiaque appréciable où l’improvisation dans l'ornementation prend une part importante et permet à chacun de s’exprimer tour à tour, il manque – comme le concède le maître lui-même – une densité en termes d’effectifs (pas de cuivres ou de percussions). Mais on aurait tort de trop se plaindre des petits incidents et autres manques qui ont contribué au charme de la soirée ; Tous les matins du monde méritaient bien ce retour.

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