À défaut de retrouver les salles de concert, on peut déjà grandement se réjouir des alternatives que mettent en place certaines salles de concerts et maisons d’opéra. C’est le cas de La Monnaie, qui planifie en ce début d’année trois concerts retransmis en direct autour de Mozart.

Ce concert « Mozart Akademie » autour d’airs d’opéras et de concert ainsi que des pièces orchestrales aura donc pris vie sur les écrans. S’il est difficile de reprocher grand-chose à ce système de retransmission, on pourra tout de même regretter que les caméras n’aient pas pu nous faire profiter du chef de face ou de la mise en valeur de certaines interventions de vents et de timbales, ce qui aurait pu enrichir quelque peu l’expérience.

Fort heureusement, grâce à sa présence magnétique sur son podium, Sabine Devieilhe retenait toute l’attention. À travers des airs de bravoure et de belles cantilènes, la soprano française a su faire toute la démonstration de son art, que l’on sait exquis. C’est d’ailleurs elle qui entame le concert a cappella sur cette belle mélodie qu’est « Ridente la calma ». Tout comme dans l’air de Zaïde un peu plus tard, elle déploie une ligne de chant infinie dans un legato somptueux avec çà et là de superbes mezza di voce. La voix, comme on a pu d’ailleurs le remarquer dans son dernier album de mélodies, a beaucoup gagné en chaleur et en consistance dans les médiums et les graves tout en gardant une agilité proprement hallucinante dans l’aigu et l’extrême aigu de la tessiture ; l’air « Schon lacht der holde Frühling » en est d’ailleurs un témoin clair, avec ses variations virevoltantes. On pourrait pinailler en accusant ici et là quelques sons poussés, certains aigus un peu tendus et un léger manque de consonnes dans les passages rapides mais cela n’entache en rien ses éblouissantes qualités de musicienne et de technicienne.

On sait Sabine Devieilhe chez elle avec Mozart, mais c’est également le cas de son compagnon et chef, invité à diriger ce soir l’Orchestre Symphonique de la Monnaie. Raphaël Pichon sait galvaniser le formidable orchestre de la maison à travers ces partitions dont il est très familier. Le chef français trouve la nervosité et la brillance sans tomber dans le clinquant, cultive la souplesse et le moelleux du son en évitant l’affection, conservant toujours un caractère élégant et pétillant. On remarque d’ailleurs qu’il parvient à écourter certains sons et à couper quelques phrasés sans jamais tomber dans une forme de sécheresse ou de brutalité. C’est ainsi un véritable feu d’artifice de couleurs et de dynamiques qui nous est offert avec ces Deutsche Tänze et cette Symphonie n° 35 !

Ce programme confirme également l’excellence et la polyvalence de l'orchestre, aussi à l’aise dans la fosse que dans la salle de concert, et dont les tuttis sont aussi plaisants que les interventions solistes. On remarque plus particulièrement ce soir le son rond et plein de Luc Nielandt au hautbois, dans un somptueux solo dont les phrasés sont en parfaite osmose avec ceux de la chanteuse (« Vorrei spiegarvi »). Les magnifiques timbres de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie épousent à merveille l’interprétation rafraîchissante et parfois même joviale de Raphaël Pichon dans ce programme tout-Mozart.

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