C’est avec une touche de couleur et d’hispanité que le Ballet de l'Opéra de Paris célèbre les fêtes de fin d’année. La reprise de Don Quichotte à la Bastille, dans la version flamboyante et d’une extrême technicité de Rudolf Noureev (1966), affiche de prometteuses distributions. La première dansée par le couple Pagliero – Heymann a compté de très belles variations solos, peu d’accrochages et un corps de ballet globalement concentré.
Don Quichotte n’est sans doute pas le ballet le plus subtil du répertoire classique, et sa pantomime burlesque n’a pas aussi bien survécu à l’épreuve du temps que la chorégraphie du Lac des Cygnes ou de Casse-Noisette. Créé au Bolchoï en 1869 par Marius Petipa, sur une partition de Léon Minkus, le ballet s’inspire très librement du roman de Cervantès pour dépeindre une fresque hispanisante, mêlant l’éventail ibérique au campement de gitans, exotisme fantasmé dont le public du XIXème raffolait. La vision de Don Quichotte, à l’acte II, sert également de prétexte pour ajouter au ballet un acte en blanc. Bien que les ficelles chorégraphiques de Marius Petipa soient visibles, Don Quichotte n’en demeure pas moins un ballet emblématique et qui a mis à l’épreuve des générations de danseurs.
L’étoile Ludmila Pagliero, dans le rôle de Kitri, assure la première avec une belle énergie et une véritable virtuosité. La danseuse n’est pas avare en prises de risques, malgré quelques petits moments d’anxiété, perceptibles notamment lors de la série d’équilibres de l’acte III et pourtant très honorablement assurée. Les fouettés de la variation finale de l’acte III sont à ce titre un très beau moment de danse offert au public. Ludmila Pagliero se glisse néanmoins dans le personnage d’une Kitri rebelle et farouche à l’excès, aux attitudes souvent brutales et légèrement surjouées. Dommage que cette pantomime disgracieuse prenne le pas sur la danse : on aurait préféré une Kitri plus langoureuse lors des scènes d’actions et plus suspendue à l’acte blanc.