Cette représentation des Due Foscari de Verdi avait malheureusement ce dimanche un goût spécial. Les récents attentats qu’a connu la France étaient dans tous les esprits. Comment alors ne pas être touché par le fait que le public marseillais ait répondu largement présent lors de cette représentation que la direction de l’Opéra de Marseille a décidé de maintenir ?
Dans ce contexte dramatique, ce qui aurait dû être une représentation classique d’opéra passe alors pour une manifestation, pour un véritable acte de résistance d’un peuple attaché à ses valeurs et qui refuse de plier face à la peur et au fanatisme. Cette représentation permet surtout de rappeler le bonheur de se réunir autour de la musique. Le bonheur d'être touché, transporté et d'exprimer son amour aux artistes; comme sait si bien le faire le public marseillais. En soit, un baume au cœur des plus efficaces !
Tout l’opéra tourne autour de la relation entre un père, le Doge de Venise, et son fils Jacopo. Ce dernier, condamné à l’exil pour trahison ne peut bénéficier du statut de son père. Impuissant face aux lois du Conseil des dix, le doge ne peut que constater la vacuité de son pouvoir. Pour corser le tout, le jeune Jacopo est marié avec Lucrezia et père lui aussi. Pareille intrigue ne souffre nullement d’être cantonnée à une version de concert.
Dans le rôle du vieillard au pouvoir discuté, Leo Nucci trouve un rôle sur mesure. Comment ne pas louer sa prestation ? Bientôt 40 ans de carrière ont fait de lui la référence toujours inégalée du chant Verdien. La prestation de cet après-midi est dans la lignée de cette miraculeuse carrière. Maître absolu dans un répertoire qu’il connaît et qui lui va si bien. Que dire sinon que la voix est superbement projetée, puissante et le timbre toujours aussi singulier. Les aigus sont rayonnants et sans force aucune. Parler de maîtrise technique avec un tel chanteur est un doux euphémisme.
Surtout, le style est superbe. Chaque parole est parfaitement intelligible. Chaque mot, chaque note est assurée avec une intelligence musicale absolue. Son interprétation va crescendo pour culminer au dernier acte lors de l’air « Questa dunque è l’iniqua mercede ». Il est simplement déchirant sur les paroles « rendete il figlio a me » (rendez moi mon fils).
Grand sourire et généreux, Leo Nucci c’est aussi une personnalité. Ovationné par le public qui réclame un bis, il accepte sans se faire prier. Triomphateur de la soirée c’est debout que la salle l’accueille aux saluts tout en criant des « Viva Nucci » ou des « Brava Leo ». Chapeau bas.
Exister à côté d’une pareille pointure n’est pas une mince affaire et les autres protagonistes s’en sortent assez différemment.