Une bambouseraie vous saute à la figure au lever de rideau ; au centre du décor végétal, une épave d’avion : l’exubérance sera le maître-mot de ce soir. La distribution de L’Italienne à Alger se révèle aussi séduisante sur le plan musical qu’expressive. Le maestro Guiseppe Grazioli, aux commandes, assure à cette reprise d’une production nancéienne de 2012 une énergie stimulante.
Les archets des cordes sautillent frénétiquement à l’ouverture : les pizzicati se font joyeux, conformes au tempo enlevé. C’est un Rossini bien comme il faut, fougueux, que propose le maestro, et les musiciens le suivent avec précision. Délicieusement, le hautbois se détache, puis la clarinette et la flûte, par des soli envoûtants. Mais la musique se révèle plus orientaliste que le décor : la production transpose l’univers algérien en pleine jungle, et le naufrage de bateau s’est transformé en atterrissage aérien.
C’est un croisement entre Les Pirates des Caraïbes et les films de catastrophe des années 1970 qu’il faut s’imaginer pour retrouver tout le comique mordant de la scénographie. Jouant avec les accessoires de l’aéronautique civile – rangées de sièges, casiers, valises, plateaux repas, gilets de sécurité et jusqu’aux masques d’oxygène – la mise en scène s’amuse décidément, autant que le public – et les solistes. De fait, l’Italienne éponyme, Isabella, ou plutôt, son excellente interprète Teresa Iervolino, est prise par un fou rire tel au premier acte, lors du travestissement de son amant Taddeo (Omar Montanari, belle voix de baryton au timbre lisse et à la tessiture homogène), qu’elle ne peut achever ses vocalises : le spectacle s’arrête tout court pendant quelques secondes dans l’hilarité générale.
Et quel plaisir que cette distribution vocale ! La soliste du rôle-titre excelle dans le jeu avec le trio d’hommes qui l’entoure comme un essaim de mouches. Pour elle, Le bey Moustafa – Adrian Sâmpetrean, superbe basse suave à la belle patine – veut se débarrasser de son épouse Elvira. Pourtant, cette dernière ne manque pas de charmes vocaux, grâce à Bianca Tognocchi : ses coloratures fusent avec facilité et son jeu d’épouse délaissée est parfait. Pas moins convaincante, Anthea Pichanick en Zulma, servante de la précédente. Qu’on se le dise : ce timbre unique de contralto pouvant monter en mezzo, profond, corsé et déterminé, mérite plus que les rôles ancillaires que la chanteuse et superbe actrice remplit pourtant avec toute la dévotion requise.