En cette année du tricentenaire, l’Opéra Comique poursuit la résurrection des œuvres qui ont assuré son succès et bâti sa renommée. Avec Le Pré aux Clercs de Ferdinand Hérold (1791-1833), c’est à un double voyage dans le temps que le spectateur est convié.
En 1832, tout d’abord, date de la création de l’œuvre. À cette époque, le spectateur parisien, désireux de goûter de nouveau aux plaisirs d’une vie redevenue plus douce, aime assister à des divertissements légers. Et c’est bel et bien dans cet état d’esprit qu’il faut se placer pour apprécier Le Pré aux Clercs à sa juste valeur. Si certains spectacles sont destinés à élever l’âme, d’autres sont faits pour la réjouir – ce qui n’est pas une fonction moins noble. Tel est le cas du Pré aux Clercs, qui, bien que tombé en désuétude depuis la fin des années quarante, n’en demeure pas moins, avec quelque 1600 représentations, l’un des plus grands succès de l’Opéra Comique. Une intrigue amoureuse sur toile de fond historique, une partition qui fait la part belle aux ariettes et aux chœurs, savamment composée par un orfèvre de la mélodie et de l’instrumentation : tels sont les ingrédients principaux de ce succès.
L’intrigue nous transporte en 1582 – dix ans après la Saint-Barthélemy. Nicette, filleule de Marguerite de Valois, fête ses fiançailles avec Girot, cabaretier parisien du « Pré-aux-Clercs ». Se rendant à Paris en tant qu’ambassadeur du roi de Navarre – époux de Marguerite et futur Henri IV – le baron de Mergy, gentilhomme protestant, retrouve par hasard son premier amour, la jeune Isabelle de Montal, protestante elle aussi, favorite de Marguerite, et promise en mariage, contre sa volonté, au belliqueux et catholique Marquis de Comminges. Avec la complicité de Cantarelli, courtisan et intrigant italien, Marguerite entreprend de marier secrètement Isabelle et Mergy. Le mariage est célébré à la suite de celui de Nicette et Girot, et les jeunes époux doivent quitter Paris le soir même. Mais avant cela, Mergy doit affronter Comminges en duel au Pré-aux-Clercs. Le suspense est maintenu jusqu’à la fin où l’on voit réapparaître Mergy, vainqueur.
Pour ses débuts dans la mise en scène d’opéra, Éric Ruf s’en tient à une lecture stricte du livret d’Eugène de Planard, élaboré d’après Chronique du temps de Charles IX de Prosper Mérimée. L’espace scénique est occupé par un décor qui évolue très peu : un cabaret simplifié, des arbres, un mur qui symbolise le Louvre à l’Acte II. Les costumes de Renato Bianchi, très réussis, et les lumières de Stéphanie Daniel contribuent efficacement à restituer le charme délicieusement suranné de ce que devait être une représentation à la Salle Favart en 1832. La direction d’acteurs est précise, et les chanteurs s’avèrent tous de très bons comédiens. Seul petit bémol : les mouvements scéniques du chœur sont quelque peu désordonnés.