Pour la première affiche de la saison, le Théâtre du Capitole accueillait deux opéras en un acte. Si les deux œuvres sont fort éloignées sur le plan du style et du langage, leur lien apparait à la lumière de leur contexte de création. Le Château de Barbe-Bleue, unique opéra de B. Bartók est en effet créé au sortir de la Première Guerre Mondiale alors que Le Prisonnier de L. Dallapiccola est composé quelques années après 39-45.
Œuvre sérielle, Le Prisonnier est une adaptation du roman d’Auguste de Villiers de l’Isle-Adam, La Torture par l’espérance. Tanja Ariane Baumgartner s’illustre à merveille dans le prologue sous les traits de la mère éplorée voulant revoir son fils emprisonné par l’inquisition, accompagnée des pleurs des cordes puis du violoncelle chantant. Ce dernier (Levent Bakirci) se trouve bien évidemment au centre de la pièce et de la torture psychologique, montrant les hauts et les bas traversés en un instant par un homme brisé à cause du simple Fratello vicieux prononcé par son geôlier. On voit l’espoir, puis l’horreur apparaître dans les yeux du prisonnier lorsque le geôlier se révèle être l’implacable Inquisiteur (Gilles Ragon), le conduisant à une mort qui n’a jamais cessé d’être irrémédiable. Suivant les instructions du livret, la mise en scène (Aurélien Bory) joue sur les contrastes entre noir et blanc. Dans une atmosphère des plus sombres, les personnages apparaissent partagés entre ce choix binaire : la mère en noir, le prisonnier en blanc et l’inquisiteur bicolore. L’intégration d’une animation plastique (Vincent Fortemps) est intéressante et brise le statisme de la scène, nous amenant un peu plus vers le monde cauchemardesque du captif. La manipulation subtile de l’esprit du détenu s’illustre par des jeux de lumières (Arno Veyrat) et notamment des fils de pantins tombant dans son dos depuis le plafond. La révélation de la prestidigitation s’accompagne d’une mise à nu du décor où poutres et poulies deviennent apparente, écho scénique à la psychologie de la pièce.