Ballet romantique créé en 1876 par Louis Mérante au Palais Garnier sur une partition de Léo Delibes, Sylvia avait été dansé jusqu’à récemment par le Ballet de l’Opéra de Paris dans la version néoclassique de John Neumeier. La version plus « rétro » composée par Manuel Legris en 2018 au Staatsoper à Vienne est entrée jeudi dernier au répertoire de l’institution.
L'argument est inchangé : la nymphe Sylvia, chasseresse sylvestre au service de la déesse Diane a fait vœu de chasteté, mais est piquée par la flèche d’Eros et s’éprend d’Aminta. Diane ordonne à Sylvia d’éliminer Aminta, qui succombe à sa flèche mais revient à la vie grâce à l’entremise d’un sorcier. Sylvia est alors enlevée par le chasseur Orion qui l’enferme dans son repère, avant que celle-ci parvienne à se libérer. Dans un dernier acte qui fait entendre les grands thèmes de la partition de Delibes, une bacchanale villageoise réunit Aminta et Sylvia, toujours pourchassée par Orion, qui trépasse en franchissant la porte du temple de Diane.
Dans un décorum assez démodé, la chorégraphie trop lisse va se dérouler sans laisser de souvenirs impérissables. Le rideau s’ouvre sur une toile de fond forestière dont surgissent différents personnages, aux costumes franchement incongrus. S’entrecroisent des jeunes hommes en tunique et sandales romaines, des nymphes aux robes pastel vaporeuses, une Diane vêtue d’une parure de velours façon viking, des satyres cornus jusqu’aux fesses, des villageois en tenues champêtres qui évoquent plutôt la Mitteleuropa que les pâturages romains, et autres brigands et esclaves nubiennes semblant extraits d’un conte des Mille et Une Nuits. Les colonnes du temple de Diane, l’autel doré d’Eros qui s’ouvre dans un nuage de fumée et une coupe de fruits géante encombrent la scène d’ornements en carton-pâte vaguement antiquisants.
Projeté dans cette mise en scène clinquante et surchargée de Luisa Spinatelli, cette nouvelle Sylvia ne renvoie pas d’emblée une impression de sophistication, ce que renforce la chorégraphie, succession de pas classiques extrêmement académiques. Les tours sont pris avec une préparation en quatrième comme en studio, tandis que les variations féminines démultiplient de façon assez lassante les mouvements d’arabesque sous toutes ses formes, développées, piquées, relevées, fouettées ou sautées. On peut s’étonner d’un recours à une telle version après celle de Neumeier, plus moderne et recherchée, que Manuel Legris avait pourtant sublimement dansée…
Cette fresque un rien monotone est cependant brillamment soutenue par les interprètes de l’Opéra de Paris. Amandine Albisson incarne une Sylvia longiligne et suspendue dans des temps de pointes exécutés avec netteté et esprit. Germain Louvet campe un Aminta lyrique, particulièrement virtuose dans les tours fouettés du finale. Leurs pas de deux, parfaitement coordonnés, sont fluides et faciles. Roxane Stojanov qui danse Diane a du charisme, sans pour autant être particulièrement mise en valeur par le rôle dont les variations sont plus narratives. Guillaume Diop, en Eros, réussit à avoir du style même affublé d’un slip doré grâce à une présence solaire et pétillante.
On retiendra également dans les rôles de solistes secondaires l’éclatant Francesco Mura, faune cabotin et incroyablement aérien, tout comme Inès McIntosh, intrépide dans le rôle périlleux de la Naïade dont la variation démarre par d’ingrats tours fouettés. Cette entrée au répertoire saluée du public grâce à ses interprètes laisse donc un goût mitigé, et l’on espère donc qu’elle viendra alterner plutôt que supplanter la version Neumeier.
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