Le monde musical toulousain poursuit sa rentrée avec cette fois le premier opéra de la saison du Théâtre du Capitole : Un ballo in maschera de Giuseppe Verdi (1813-1901). Inspiré des événements ayant entraîné l’assassinat du roi Gustave III de Suède en 1792, le livret de l’œuvre reprend très largement celui de l’opéra Gustave III ou Le Bal masqué de Daniel-François-Esprit Aubert et d’Eugène Scribe, créé à Paris en 1833. Doublement frappé par la censure qui ne souffre pas de voir un souverain mourir sur scène en plein contexte d’unification italienne, Verdi transpose l’action à Boston, et Gustave, devenu Riccardo, comte de Warwick, n’est plus qu’un simple gouverneur pris au piège de son amour pour Amelia, l’épouse de son meilleur et plus fidèle ami Renato. Cette version, créée en 1849, est celle qui a été conservée pour cette soirée.
Du fond de la fosse où l’orchestre est prêt à commencer la soirée, un « bonsoir » se fait entendre et Daniel Oren fait son apparition, visiblement très impatient de faire jouer ses musiciens. En effet, le chef israélien conduira son orchestre toute la soirée avec un enthousiasme jamais faiblissant et une gestuelle engagée et précise. Avant même le début du premier acte, un fauteuil, placé dans le rideau, augure l’issue funeste du drame lyrique. La dualité de l’atmosphère de la pièce, est parfaitement illustrée par Verdi dès les premières secondes aussi bien par le texte que par la musique. L’opposition entre la cour adorant son monarque et les désirs de vengeance des conspirateurs Samuel (Leonardo Neiva) et Tom (Oleg Budaratskiy), encerclant le comte endormi, est perceptible par bien des sens, notamment grâce aux harmonies suraiguës. Puis Riccardo (Dmytro Popov) se réveille et son fidèle Oscar (Julia Novikova) et le juge font leur entrée. Le ténor rend parfaitement la naïveté initiale du comte d’une voix puissante qui résonne dans tout le théâtre. Passé la décision de se rendre chez la magicienne Ulrica (Elena Manistina), Riccardo entonne son premier air de bravoure et est applaudi comme il se doit par le public. Ce premier acte reste néanmoins très statique, tout comme le décor, fait d’un seul et même portrait qui revient en leitmotiv tout au long de la pièce.
Les costumes, conçus par Christian Lacroix, sont à la fois originaux et respectueux de l’époque, le tout dans une sobriété classieuse : cour en cravate et manteau long très anglais, Amélia en robe de soirée, Oscar en crop top version 18ème siècle…
Le lever de rideau pour le deuxième acte se fait toujours sur un décor sobre : le lieu infernal où Amelia (Keri Alkema) doit se rendre afin de cueillir la plante qui lui permettra d’oublier Riccardo est représenté par deux fleurs et un pendu au centre de la scène. La chanteuse américaine entonne les lamentations de son personnage avec brio. Rejointe par Riccardo puis par Renato (Vitaliy Bilyy), elle assiste, encore voilée et impuissante, à la mise en place du nœud gordien. Les timbales scellent le destin du triangle amoureux, soutenant les mots de Renato jurant à son ami de ramener cette femme en ville « Lo gioro, e sarà », vœu qui ne sera bien évidemment pas respecté du fait des comploteurs et qui conduira au drame final. La lumière se fait plus verte au fur et à mesure que les conjurateurs arrivent sur scène et l’air moqueur vis-à-vis de Renato trompé par sa femme est extrêmement bien joué. À nouveau, comme à la fin du premier acte, le sang coule des yeux du portrait en fond.