Dans la famille « Etoiles du 21ème siècle », je voudrais l’altiste Alexander Akimov et le pianiste Philippe Kopachevsky. Sous le qualificatif pompeux, cette série de concerts a pour but de promouvoir la nouvelle génération de musiciens, qui commence à gagner en notoriété en Russie comme à l’étranger, concours internationaux obligent. Le concert de ce soir réunit Mozart, Schnittke et Brahms, mélange improbable qui se révèlera d’une intelligence et d’une cohérence remarquables, convoquant trois univers, qui, s’ils sont radicalement opposés, nourrissent des connexions insoupçonnées grâce à la pâte-à-modeler stylistique qu’est la musique de Schnittke.
Quelle meilleure entrée en matière que le Divertissement en ré Majeur K.136 de Mozart ? C’est une musique qui sonne comme un sourire, on y entre en saluant discrètement, et on nous répond par une révérence. Ecrite par un compositeur de seize ans, cette œuvre possède l’alacrité de la jeunesse, alacrité qui reste toujours dans la mesure de l’élégance, sans démonstration ostentatoire. Sous la baguette d’Igor Manacherov, l’Orchestre de la Philharmonie de Moscou nous plonge dans un bain de fraîcheur et de spontanéité par des phrasés menés avec beaucoup de délicatesse et de naturel. La musique respire d’elle-même, et le bien-être qu’elle exprime est contagieux.
Schnittke maintenant, l’enfant terrible de la musique russe, qui fait voler en éclat les moules et les normes stylistiques. Assurément, Schnittke n’est pas de ces compositeurs qui pour créer ont besoin d’un cadre fixé par les contraintes d’une écriture, qu’elle soit personnelle ou héritée ; mais bien plutôt un compositeur aux bottes magiques qui par bonds de géants enjambe les styles en s’élevant au-dessus des écoles et des époques, pour atterrir un pied tantôt ici, tantôt là, enjambant souvent les frontières, au gré de son imagination fertile. Aussi Schnittke puise-t-il à des sources aussi diverses que la musique classique, la musique baroque, la musique festive de bal, le jazz… et encore bien d’autres sources non identifiables ! Sa mémoire n’est pas exhaustive, il retient de chaque style qui le nourrit uniquement les éléments qui l’intéressent dans le contexte de composition d’une œuvre, ce qui fait prendre conscience au claveciniste qu’il peut autant valser que prendre des accents tragique lorsqu’il est associé au funèbre glas de la cloche. Ainsi, loin d’être un pique-assiette, Schnittke est un peintre qui, en s’autorisant tous les coloris, crée un style personnel, bien que difficilement descriptible.