De par la réunion de ces deux compositeurs, Rachmaninov et Tchaïkovski, c'est à un concert empli de lyrisme, d'exacerbation, de virtuosité, de pathos, d'émotions auquel nous nous livrons. C'est dans un Opéra Berlioz du Corum à Montpellier rarement aussi comble que le pianiste stupéfiant Alexander Gavrylyuk vient servir ce projet tout en transmettant immédiatement ses qualités musicales et humaines. Ces dernières justifient immédiatement l'essence de son interprétation pour ce répertoire.
Que de générosité dans le jeu de ce pianiste d'origine ukrainienne ! La technique d'Alexander Gavrylyuk est véritablement ahurissante. Son jeu reste tout du long insaisissable, imperturbable, rien ne semble pouvoir lui résister. Le tout dans une aisance et une facilité singulières témoignant d'une agilité et de qualités musicales incroyables. Jouant constamment au plus profond de l'instrument, rivalisant sans conteste avec la puissance de l'orchestre, il parvient tout du long à se positionner dans un équilibre passionnant entre abondance et humilité. Un alliage exquis entre virtuosité, musicalité, générosité, simplicité, efficacité et sens du partage dans un contexte finalement plutôt intime malgré la grandeur de la salle et le style du répertoire. En effet, c'est probablement ce qui fait la singularité de ce pianiste : l'interprétation d'un répertoire virtuose le confrontant à l'ensemble de l'orchestre tout en développant une certaine simplicité qui crée un dialogue intérieur avec le public. Quant à l'Orchestre national Montpellier Languedoc-Roussillon, il parvient à nous saisir dès le départ par son homogénéité d'ensemble, plus particulièrement des cordes au début du deuxième mouvement. Cependant, le pupitre des bois met à mal cet équilibre et vient déroger parfois grossièrement à la richesse sonore générée par l'écoute et le travail d'ensemble des autres pupitres. En revanche, la maîtrise de la texture des cordes, incontournable dans ce répertoire et la brillance du pianiste viennent couronner l'interprétation de ce Concerto pour piano Op. 18 de Rachmaninov d'un franc succès largement mérité.