Inclus dans un week-end titré « Spirit » présentant plusieurs concerts associant musique de chambre, récital, concerts symphoniques, ateliers, visites du Musée, à la façon intelligente dont la Philharmonie de Paris repense la programmation des concerts pour en faire un tout culturel intégrant le mélomane dans une démarche plus active que le seul fait de venir, s'asseoir dans une salle, écouter et repartir à la maison, le programme que donnait l'Orchestre symphonique de Lucerne était sous-titré « Le Chant du cygne » et était précédé par une récréation musicale pour les enfants des parents assistant au concert.
Mais vient le moment du concert proprement dit. Il n'échappe pas à un rituel qui s'est peu à peu imposé au XIXe siècle. Et l'on prend place dans la grande salle pour écouter deux pièces d'Arvo Pärt, La Sindone (Le Suaire) et Swansong (Le Chant du cygne). Commande du festival Septembre musical de Turin pour les Jeux Olympiques d'hiver, Le Suaire a été créé en 2005. Le Chant du Cygne, qui donne donc son titre à ce concert, est une commande de la Fondation du Mozarteum de Salzbourg. Il a été créé par les Wiener Philharmoniker en 2014. Ces deux œuvres baignent dans une lumière fondue, expriment une sorte de résignation et de tristesse diffuse qui impose une atmosphère extatiquement douloureuse, malgré une orchestration claire, riche en vents et percussions, malgré une écriture polyphonique, stratifiée, qui force l'écoute. Les transformations de timbres, les éclairages changeants sur un socle qui semble comme pétrifié permettent à James Gaffigan de faire naître de délicats éclairages au sein d'un propos tenu avec souplesse : cette musique curieusement mouvante et statique, comme les feuilles et les branches de l'arbre le sont sur un tronc immobile, se déploie alors dans le temps et l'espace sans pour autant émouvoir ou captiver, malgré la beauté des timbres de l'orchestre suisse, sa souplesse, la légèreté de ses cordes et la perfection des interventions de ses solistes.
La Symphonie « Inachevée » de Schubert qui suit est autrement captivante. Passée la mystérieuse introduction, quand vient le chant aux violoncelles, on se dit que ce tempo parfait, ni trop rapide ni trop lent, que ces violoncelles qui chantent sans trop appuyer sur l'archet, sur les ailes du chant, sont annonciateurs d'une interprétation admirable. Mais James Gaffigan se perd un peu dans les détails, alterne des passages par trop verticaux avec d'autres un peu mous. La musique manque ainsi d'une trajectoire impérieuse. De très beaux et prenants moments ne font pas tout.