Lundi 12 octobre, la salle du Théâtre des Champs-Élysées était pleine pour entendre en version de concert une unique Ariane à Naxos qui précède une série de représentations scéniques au Bayerisches Staatsoper de Münich. Elle aurait dû réunir un des couples d'opéra les plus en vue du moment : Anja Harteros et Jonas Kaufmann. Hélas Anja Harteros a finalement renoncé à cette prise de rôle. Même si certains peut regretter son absence, le plateau réuni a amplement satisfait les amateurs de chant.
Dès l'entrée en scène virevoltante des personnages du prologue, on constate l'aisance scénique d'une équipe de chanteurs habitués à ces rôles à la scène, et le public, grâce à leur verve et au texte, rira à plusieurs reprises de cette situation inextricable de confrontation entre les tenants de l'opera seria et ceux de la commedia dell'arte.
Le compositeur d'Alice Coote possède un vrai engagement et fait preuve d'une belle aisance scénique, malgré une tenue fuschia qui contraste avec la sobriété de celle des autres chanteurs. Dans un rôle de jeune homme fougueux proche de l'Oktavian du Rosenkavalier, la mezzo anglaise peine cependant à émouvoir et met son registre aigu à rude épreuve. Les seconds rôles du prologue sont tous excellement tenus par de solides chanteurs de troupe allemands, au premier rang desquels le magnifique maître de musique de Markus Eiche, et le maître de musique Kevin Conners. En majordome, l'acteur Johannes Klama, inhabituellement jeune pour ce rôle parlé rend cependant très bien l'obsequiosité du personnage.
L'américaine Amber Wagner, qui avait la dure tâche de remplacer Anja Harteros en Prima Donna/Ariane, est une belle révélation. Elle bénéficie d'une voix wagnérienne large et ample au timbre sombre, avec des graves assez remarquables. Ses aigus sont assurés mais manquent hélas de nuances. Son incarnation en revanche est quelque peu décevante, et elle a peu ému dans son monologue Es gibt ein reich. En revanche elle développe une énergie remarquable dans la scène finale, au point de mettre Kaufmann en légère difficulté à la toute fin de l'œuvre.
Le trio des nymphes, qui évoque les ondulations sonore des filles du Rhin, est de belle facture, et mélange joliment les voix d'Eri Nakamura, Okka von der Damerau et Anna Virovlansky, même si cette dernière dispose d'un timbre un peu plus ingrat.
Pendant comique du trio féminin, le quatuor des masques, accolytes de Zerbinetta est également très bien desservi et interprété par les jeunes chanteurs de la troupe de Munich, avec une mention spéciale pour l'Arlequin charmeur du baryton Elliot Madore et la belle basse de Tareq Nazmi en Truffaldino.