Le 13 mars 1934 se tenait dans la Salle du Conservatoire le premier concert de l’« Orchestre National de la RTF ». 90 ans plus tard, cet orchestre de Radio France a changé de nom – c’est l’« Orchestre National de France » – mais est toujours bien actif. Cet anniversaire est célébré en grande pompe : quatre concerts en dix jours mettent en lumière toutes les facettes du répertoire français de Berlioz à Messiaen. Les productions seront-elles à la hauteur de cet événement ? La Damnation de Faust qui ouvrait les festivités au Théâtre des Champs-Élysées s’est révélée inégale.
Œuvre hybride entre opéra, cantate et oratorio, cet assemblage de scènes raconte une des versions du mythe de Faust – idée qu’a également Schumann outre-Rhin pendant la même décennie avec ses Scènes de Faust. La « Légende dramatique en quatre parties » de Berlioz ajoute à la vocalité une forte dimension théâtrale toute contenue dans les récitatifs et surtout dans une musique foisonnante génialement évocatrice.
La direction de Cristian Măcelaru ne révèle malheureusement cette richesse que partiellement. Se contentant presque exclusivement de faire jouer tout le monde ensemble rythmiquement, le directeur musical du National sollicite trop peu la partition et tire de l’orchestre une interprétation très sage qui aurait mérité de vivre davantage. En fait de relief magyar, ce Faust hongrois se balade en plat pays. En conséquence, Sarah Nemtanu multiplie les gestes exagérés pour entrainer davantage ses collègues, au point d’en gêner presque le spectateur. Les actes I et III plus descriptifs souffrent le plus de ce manque de caractère ; les actes II et IV, plus dynamiques, sont tout de même convaincants. Pendant la chevauchée qui termine l’œuvre, on voit littéralement de galop des chevaux et les créatures qui les entourent. Quelle musique !
Les interventions du Chœur de Radio France préparé par Josep Vila i Casañas sonnent au loin en arrière-plan. Ce rendu est cohérent avec le propos berliozien, les choristes servant souvent à illustrer le cadre de l’action (feux follets invoqués par Méphistophélès, joyeuse compagnie d’étudiants ou de taverne, évocation de la foi, etc.). Leur diction précise dans une partition délicate renforce leur homogénéité. On aurait cependant aimé les entendre de plus près à la fin de l’œuvre au moment où les enfers se déchainent.