Pour sa trente et unième édition, le Festival de Radio France illumine dès sa soirée d’ouverture avec un programme luxuriant : les deux Shéhérazade de Rimsky-Korsakov et de Ravel ainsi qu’Aladdin du compositeur danois Carl Nielsen. Sur scène l’Orchestre national de Montpellier au grand complet sous la direction de son nouveau chef, Michael Schønwandt, accueille la mezzo-soprano Karine Deshayes et à ses côtés Lambert Wilson dans le rôle du récitant.
Emportant le public dans le monde du sultan Shahryar et de ses courtisanes, les musiciens s’approprient les œuvres, entrelaçant les mouvements des unes avec les poèmes des autres, pour en faire une seule et même suite dont l’unité est assurée par d’habiles transitions au travers de textes et de poèmes de Victor Hugo, Li-Taï-Po, Albert Samain ou encore Arthur Rimbaud. Un dialogue des arts donc, entre littérature et musique.
Sur la direction de Michael Schønwandt, concentré et toujours souriant, les cordes amorcent alors les premières notes d’Asie, le premier poème du Shéhérazade de Ravel, avec légèreté et poésie ; Karine Deshayes déploye avec précision et délicatesse la prosodie des vers de Tristan Klingsor. « Asie, Asie, Asie, / Vieux pays merveilleux des contes de nourrice / Où dort la fantaisie comme une impératrice / En sa forêt tout emplie de mystères. » Le tempo s’accélère, les violons ôtent leurs sourdines et le rythme du tambour de basque accompagne des passages plus agités menant le tutti à un crescendo poignant alors que Shéhérazade expose ses désirs les plus profonds. Puis le calme revient et l’orchestre comme la voix de la mezzo-soprano s’effacent et disparaissent peu à peu.
« La lune était sereine et jouait sur les flots. » Se sont ensuite les mots de Victor Hugo à travers son poème Clair de lune qui permettent à Lambert Wilson d’introduire les deux premiers mouvements du Shéhérazade de Rimski-Korsakov. Cette œuvre à la croisée du concerto pour violon, du poème symphonique et de la symphonie en quatre mouvements donne aux chefs de pupitres de l’Orchestre de Montpellier l’occasion d’exceller dans de brillants soli. C’est notamment le cas du violon de Dorota Anderszewska qui éblouira le public de l’opéra Berlioz par son dynamisme et la beauté de son interprétation tout au long du concert. Tour à tour les bois, cordes et cuivres exposent, échangent, reprennent les deux thèmes principaux, cette majestueuse descente en trilles et la célèbre arabesque, dans un tourbillonnement incessant.