Star absolue de la planète lyrique, la soprano allemande Diana Damrau a répondu présente pour « ses débuts » sur la scène marseillaise. La veille elle triomphait à La Scala de Milan dans Le Nozze di Figaro. Le lendemain, elle a mis le public marseillais dans tous ses états (ovation et standing ovation) dans un récital lyrique où elle partageait l’affiche avec son époux : le baryton Nicolas Testé.
Alors oui, la grande Diana en fait beaucoup entre promenade sur l’intégralité du plateau, demi-tours sur elle-même, gestuelle et mimiques exubérantes. Oui, elle a une légère tendance à l’excès dans l’incarnation de ses personnages mais ces petits travers s'oublient rapidement au regard des qualités lyriques déployées par la chanteuse. Nous ne sommes pas ici dans un opéra mais bien dans un récital lyrique où la chanteuse n’est pas amenée à présenter la psychologie d'un personnage dans l’intégralité d'un rôle mais à un moment précis de l’œuvre. Son engagement prouve une absolue compréhension par l’artiste des textes des livrets. Et quel bonheur d’entendre - certes parfois à la limite du style du compositeur – la couleur de la voix changer aussi rapidement que le caractère du personnage ! Aucune monotonie ici car aucune phrase n’est similaire à celle qui précède. On ne saurait se plaindre non plus de voir et d’entendre une chanteuse qui rayonne sur un plateau, qui s’amuse avec la musique et le public et qui communique sa malice et sa jovialité à toute une salle. Enfin, et surtout, ce sont évidemment les exceptionnelles qualités vocales de la chanteuse qui laissent pantois : voix d’une immense opulence mais également capable de jouer la carte de l’intimité, souffle infini et maîtrise d’une amplitude vocale incroyable. La chanteuse est tout aussi à l’aise dans le registre medium que dans le suraigu.
Son récitatif « E Susanna non vien » des Nozze est d’une juste nervosité. L’air « Dove sono » est conduit par un sublime legato jusqu’à la note d’espoir des dernières mesures « Se almen la mia costanza » pleine de naïveté. Sa Comtesse n’est pas qu’une victime mais aussi une femme pleine d’espoir de retrouver son amour. Son Elvira (I Puritani) est très tourmentée et ses vocalises sont menées avec la souplesse nécessaire. Dans Les Huguenots, elle campe un page malicieux et apporte un soin tout particulier à son texte. Avant l’entracte, elle incarne une Manon de Massenet au sommet de son potentiel séducteur. La scène du Cours-la-Reine est volontairement racoleuse sans tomber dans la vulgarité. L’interprétation gagne en profondeur sur les paroles « et la jeunesse ouvrant son aile a disparu sans retour ». Manon comprend qu’elle n’a plus le temps et montre qu’elle entend profiter des avantages qu’offre son image rayonnante. Dans la Sonnambula, le « Ah non credea mirarti » surprend d’abord car il est rare d’entendre des voix aussi opulentes dans un air aussi délicat. Mais la chanteuse comble largement grâce à un usage permanent de nuances, un legato superbement conduit, une sobriété bienvenue et un souffle à faire pâlir chaque spectateur. Le « Ah non giunge ! » est d’une grande virtuosité entre vocalises, sauts de registres, suraigus, sons piqués et filés.